Sept ans après son " enquête sur les nouveaux réactionnaires " qui avait déchaîné les controverses (LeRappel à l'ordre, 2002), l'histoire semble avoir donné raison à Daniel Lindenberg. Le grand retournement idéologique qu'il avait identifié au seuil des années 2000 en France s'inscrit désormais dans une mondialisation des idées caractérisée par la montée des " révolutions conservatrices " un peu partout dans le monde. Retournant les Lumières contre elles-mêmes, à l'instar de leurs illustres devanciers des années 1930, les champions de ce nouveau backlash œuvrent au recul de la rationalité et flattent des conceptions autoritaires et parfois racistes de la vie collective. Sous les apparences du mouvement, voire de la " rupture ", c'est toujours une haine sourde de la modernité et de la démocratie qui les unit et constitue le fond de leur programme.
Daniel Lindenberg est historien des idées, Professeur de sciences politiques à l'université de Paris VIII et membre du comité de rédaction de la revue Esprit. Il a notamment publié Les Années souterraines 1937-1947 (La Découverte, 1990), Destins marranes (Hachette, 1997) et Le Rappel à l'ordre (La République des Idées/ Seuil, 2002).
« Il y des partis intellectuels qui ont de véritables programmes », écrivait Charles Péguy en 1901. La remarque garde aujourd'hui toute sa pertinence, n'en déplaise à ceux qui déplorent la « fin » des intellectuels dans le pays même qui a vu naître ce glorieux substantif.
Ce livre rappelle comment est née peu avant l'affaire Dreyfus l'idée d'une « insurrection permanente des Savants » au service de l'émancipation populaire. Il fait le récit de ses succès et de ses échecs, de Lucien Herr à Jean Cavaillès. Cette histoire n'avait jamais été racontée. Mais il convenait d'observer aussi que la leçon des normaliens socialistes n'a pas été perdue pour leurs adversaires. Cette rivalité mimétique éclaire d'autres courants intellectuels, de l'Action Française aux « non-conformistes des années 1930 ». L'histoire se répète parfois sur le mode parodique notait Marx. Celle des intellectuels du demi-siècle écoulé n'a pas manqué de le vérifier, rue d'Ulm ou ailleurs, avant qu'un parti de la Restauration vienne, sans doute provisoirement, occuper le devant de la scène politique et spirituelle.
Le marxisme est à l'ordre du jour. Conquérant dans l'Université, mis à contribution dans les sciences sociales, il reste au coeur des débats politiques. Mais son succès est ambigu. Car il est, en France, l'objet de coups de foudre épisodiques. Daniel Lindenberg a voulu expliquer ce phénomène, en retrouvant les jalons de l'histoire de la diffusion du marxisme, recherche qui, curieusement, n'avait pas été faite. Depuis 1880 jusqu'à nos jours, le marxisme a été morcelé entre une doctrine savante - réservée aux intellectuels - et une pratique d'organisation appliquée par le mouvement ouvrier. Quelles sont les raisons de ce clivage ? L'auteur les a découvertes, en analysant les résistances au marxisme, organisées dans l'Université et au niveau politique. Ce livre a le mérite de rappeler les noms de Georges Sorel et de Lucien Herr, dont l'action a préparé l'oeuvre des Nizan et des Politzer.
Daniel Lindenberg s'attache ici au travail souterrain des idées qui caractérisent le mieux l'ensemble la période 1937-1947. Celle de communauté est indéniablement la plus importante. Et l'identité culturelle, comme expression active d'une " unité socio-géographique ", est revendiquée aussi bien par Georges Dumézil que par Gaston Roupnel.
Pressentie par les uns, redoutée par les autres, la guerre éclate en septembre 1939. Un État autoritaire remplace la République et esquisse une modernisation de la France tout en revalorisant le " travail ", la " famille " et la " patrie ". La collaboration avec les nazis se met en place sans difficulté. La résistance s'organise progressivement. La libération s'accompagne d'une épuration des intellectuels et d'une reconstruction, y compris morale. Au cours de cette décennie, la France a connu trois régimes politiques fort différents, mais on observe une beaucoup plus grande continuité dans le domaine des idées et des prétentions artistiques. Seuls des arts de propagandes s'accrochent désespérément à l'un ou à l'autre sans plus d 'espoir que de témoigner d'un idéal finalement fugace. Daniel Lindenberg préfère ici s'attacher au travail souterrain des idées qui caractérisent le mieux l'ensemble de cette période. Celle de communauté est indéniablement la plus importante : on la trouve chez le père Le Bret ou François Perroux, mais aussi à l'école de cadres d 'Uriage et à la revue Esprit. La construction de l'homme - d'un " être " moral maître de sa situation, libre des choix de son existence, acteur de l'histoire - mobilise Marcel Déat, Alexis Carrel et plus tard Raoul Dautry. Et l'identité culturelle, comme expression active d'une " unité socio-géographique ", est revendiquée aussi bien par Georges Dumézil que par Gaston Roupnel. Cet essai bouscule de nombreuses idées reçues tant sur Vichy que sur la Résistance, et remet en cause des points de vue admis comme " vérités historiques " en montrant à quel point ces dix années sont solidaires d'une histoire plus longue qui seule en donne la clé.
Dans cet ouvrage publié en 1977, Daniel Lindenberg et Pierre-André Meyer montrent, l'un par une approche biographique, l'autre par une analyse théorique, qu'il n'est plus permis d'ignorer aujourd'hui Lucien Herr, mort en 1926, qui a, par sa pensée et son action, préparé la difficile alliance du socialisme et de la liberté.
A travers des pièces inédites, des textes-programmes, des essais et documents, « Théâtre Ouvert », en suscitant un théâtre de création, se propose de participer au théâtre de notre temps, un théâtre qui dérange en refusant l'acquis. « En r`venant d'I'Expo ». 1900 : l'Exposition Universelle, le Père Peinard, le Caf'Conc', les noces de l'Industrie et des Empires coloniaux, le syndicalisme d'action directe, les « Forces de la Joie et de la Chanson ». 1914 : la guerre « fraîche et joyeuse » l'Union Sacrée. Pourquoi ? Comment ? Faisant resurgir les éléments enfouis de la mémoire collective, sans pour autant rouvrir un procès, la pièce utilise les meilleures techniques du récit cinématographique, permettant ainsi au spectateur de s'immerger dans cette « Belle Époque » qui se trouve, en fait, pour nous, à des années-lumière de distance historique. Chansons, discours de tribuns, propos de cafés ou invectives de réunions syndicales, tout concourt, à travers l'histoire d'une famille de comiques-troupiers, à faire sortir de l'oubli l'enfance d'une nation - la nôtre.