Les étiquettes, définies par des systèmes de pensée et de valeurs implantés au fil des époques, influencent la nature des créations musicales et la façon dont on les reçoit et les juge. L'auteur revient sur l'histoire de ces hiérarchies imposées, de la fin du XVIIIe siècle à aujourd'hui, alors qu'un double mouvement d'attraction et de répulsion se joue entre la musique sérieuse et la légère, entre l'art et le commerce, entre le classique et le populaire.
Mais ces catégories tendent à devenir de plus en plus obsolètes de nos jours au profit d'une plus grande liberté créatrice, à mesure que le dialogue entre les musiciens et les musiciennes se nourrit de recherches sonores et de mélanges des genres. Des exemples provenant autant des musiques anglo-américaines que québécoises et planétaires soutiennent la réflexion de l'auteur sur cette piste, dont les concerts de pop symphonique, l'effervescence des musiques instrumentales, le foisonnement stylistique de la scène de Los Angeles, et quelques autres pratiques instrumentales.
Dans ce contexte, il importe de s'intéresser aux occasions offertes par la diffusion numérique: reviendrons-nous à de nouvelles chambres d'écho en nous fiant aux recommandations des algorithmes ou, au contraire, oserons-nous tendre l'oreille à la richesse de la création musicale ?
Dans ce nouveau numéro, Circuit porte un regard sur le métier de compositeur dans le contexte québécois en ce début de XXIe siècle, et aborde en filigrane les questions de l'identité, de la singularité et celle de l'exercice de cette profession, notamment selon le milieu où elle est exercée. Dirigé par le compositeur Simon Bertrand et illustré par l'artiste peintre Rita Ezrati, ce numéro intitulé « Réflexions sur le métier de compositeur : identité et singularités » génère, par la même occasion, des réflexions et des questionnements d'ordre sociologique sur le milieu de la création musicale au Québec et ses racines; celles, encore fragiles, du passé, et celles qu'il reste à inventer. Paul Bazin, Simon Bertrand, Estelle Lemire et Danick Trottier, entre autres, contribuent à ce numéro par le biais de divers portraits, enquêtes, analyses d'oeuvres et textes d'opinion mettant en relief les démarches artistiques ou sociales de compositeurs et de compositrices représentant plusieurs générations.
L'édition hivernale de Circuit s'inscrit dans une série spéciale de numéros monographiques consacrés à des compositeurs québécois marquants. Après, Claude Livier, Gilles Tremblay, Ana Sokolovi´c, Denis Gougeon et John Rea, c'est au tour du travail du compositeur d'origine espagnole José Evangelista d'être célébré. « Attaché à la sophistication du système de notation musicale occidental, désirant également une communication directe et immédiate, c'est au contact de l'Autre qu'[Evangelista] a trouvé des réponses, en particulier dans le gamelan indonésien (balinais et javanais). Mais l'Autre, c'est souvent aussi soi-même (nous sommes "étrangers à nous-mêmes", selon la formule de Julia Kristeva). Ainsi, découvrant un jour une puissante empreinte de musiques arabes dans le folklore de son Espagne natale, Evangelista s'est mis à l'écoute des autres jusque dans les chansons de son enfance. »(Maxime McKinley). Un dossier signé Maxime McKinley, Flavia Gervasi, Anis Fariji et Alex Nouss, accompagné d'un catalogue des oeuvres dressé par Solenn Hellégouarch.
La recherche en musique se décline en une grande variété d'approches dans des domaines tout aussi divers, et s'appuie sur un non moins large éventail de sources. Ce numéro des Cahiers de la SQRM en témoigne à nouveau. Dédié à la mémoire de la regrettée musicographe, pédagogue et communicatrice Maryvonne Kendergian (1915-2011), étroitement associée au développement de la musique au Québec et qui fut la première présidente de la SQRM, cette livraison comprend des textes de Patrice Nicolas, Louis Brouillette, Luc Bellemare, Danick Trottier, Martin Guerpin, Jason Savard et Albrecht Gaub. Des questions de théorie musicale, d'histoire de la pratique musicale au Québec ainsi que de cette discipline plus récente qu'est la socio-musicologie sont abordées dans ce numéro.
Cette édition des Cahiers de la SQRM présente quatre textes qui font écho à une journée d'étude « Musique et [néo]classicisme en France (1850-1950) », organisée le 13 février 2019, à la Faculté de musique de l'Université de Montréal. Il y fut question de mieux comprendre les principaux traits du néoclassicisme, courant musical important, qui s'est développé dans l'entre-deux-guerres, et qui se veut une actualisation de formes et de techniques plutôt qu'un simple retour vers le passé. Christophe Corbier s'intéresse aux concepts de classicisme et d'hellénisme, à travers les écrits et travaux du compositeur et chef d'orchestre français Louis-Albert Bourgault-Ducoudray (1840-1910). Jean Boivin tourne son regard vers le Québec des années 1940 et 1950. Danick Trottier, lui, effectue un retour sur l'apport d'Adorno à l'étude du néoclassicisme, en particulier la réception de Stravinski, alors que Federico Lazzaro se penche sur 800 mètres d'André Obey. Hors dossier, lisez sur l'expérience corporelle en musique (Julie Ferland-Gagnon) et A World Requiem (Sebastián Rodríguez Mayén).