Lila, Estelle, Jeanne : trois femmes dans la vie d'Antoine Polin, député quadragénaire brillant et pressé, figure médiatique du parti qui gouverne.
Après vingt ans de vie commune, Estelle, la femme d'Antoine, ne sait plus si elle a encore envie de la folle quête du pouvoir qui obsède son mari. Jeune assistante parlementaire, Jeanne s'interroge sur son désir pour cet homme qui l'attire comme une drogue et dont elle n'est que la maîtresse occasionnelle. Économiste atterrée, mère célibataire, Lila rencontre cet ambitieux et c'est le coup de foudre. Aveuglée par la passion, elle refuse de se demander pourquoi elle a succombé à ce technocrate en costume cravate, si peu son genre.
Pendant ce temps, l'Assemblée est confrontée au cas d'un député accusé de harcèlement conjugal. Sa femme, à qui la justice a mis à disposition un téléphone grand danger, est menacée mais la loi du silence l'emporte. Jusqu'à quand ?
Par la voix de ces femmes, et d'autres encore, le pouvoir politique apparaît comme un révélateur des mécanismes de séduction et un terreau de violences sexistes et sexuelles. Mais à l'heure de #MeeToo, les codes anciens comme les vieilles routines sont ébranlés.
Amoureuses d'un même homme, parfait mâle alpha, trois femmes libres et entreprenantes font face à leurs contradictions en évoluant avec la société, ses pesanteurs et ses changements. Une comédie des sentiments aiguisée et tendre, par une observatrice sagace des moeurs politiques. Vif, réjouissant, engagé, étonnant : un premier roman qui est une réussite.
« L'autre jour, ma fille m'a demandé si on pourrait te voir quand tu ne seras plus morte. Elle est encore petite, tu sais, alors elle a insisté - et pourquoi ton coeur s'est arrêté, et pourquoi tu es morte dans ta salle de bain... Mourir à 33 ans, elle ne comprend pas, et elle a peut-être senti dans ma réponse mon aversion à parler de toi, à penser à toi. J'avais tout emmuré mais te revoilà sans cesse... »
Il aura fallu trente ans pour que Clémentine Autain écrive sur sa mère, la comédienne Dominique Laffin, morte en 1985. Clémentine en avait 12 et déjà un long et douloureux chemin avec cette mère en souffrance, égarée, incapable de prendre soin de sa fille. Clémentine Autain s'est construite en fermant la porte aux souvenirs, en opposition avec cette mère dont, petite fille, elle avait parfois dû s'occuper comme d'un enfant. Aujourd'hui, elle n'occulte rien, dit avec justesse le parcours tragique d'une femme radieuse et brûlée, passionnée de vie, actrice magistrale, féministe engagée mais dévorée par ses angoisses et prise au piège d'une liberté dangereuse.
Dites-lui que je l'aime : dans ce récit poignant dont le titre rappelle le film éponyme, Clémentine Autain rend justice à une figure oubliée des uns, culte pour les autres. Elle retrouve ce qu'elle lui doit, son féminisme, sa propre maternité peut-être. Et malgré l'âpreté des souvenirs, elle écrit un récit d'une grande douceur, une lumineuse lettre d'amour.
« J'ai déposé mes courses sur le tapis roulant, la jeune femme a encaissé. J'avais envie de lui dire : moi, je n'encaisse pas. Parce que je ne suis pas à sa place, et surtout parce que je ne supporte pas les normes de cette société qui font d'elle et de ses collègues des sans voix, peu reconnus, peu protégés.
Les caissières illustrent ce qui ne tourne pas rond dans une société où l'on ne cesse de nous asséner : ne pense pas, dépense. La caisse enregistre cet argent roi qui nous fait perdre le sens de la vie, et la déshumanisation en marche s'incarne à travers ces « petites mains » que nous confondons avec leur outil de travail. Leur quotidien rapporté à leur salaire illustre une effrayante hiérarchie des valeurs. Et sur le tapis roulant, elles voient passer toute la démesure consumériste d'un monde qui court à sa perte. L'écosystème, pas plus que nos désirs, ne peut supporter une telle gabegie, tandis que de plus en plus de personnes, de familles ne parviennent pas à boucler leurs fins de mois. »
Haut lieu du consumérisme débridé et de la frustration, l'hypermarché matérialise la folie capitaliste. C'est l'espace de toutes les promotions, sauf pour les caissières. Dans l'un des plus grands groupes mondiaux de distribution, il a fallu 15 jours de grève pour obtenir 45 centimes d'euros en plus sur les tickets restaurants ! L'hypermarché, c'est aussi là où l'on voudrait nous faire croire que croissance infinie est synonyme de mieux-être sur une planète aux ressources limitées. Il est urgent de rompre le lien entre le plus et le mieux. Et ce n'est pas l'essor de l'e-commerce, avec son profilage numérique dit intelligent, qui freinera le marketing agressif fabriquant la pulsion d'achat, le gâchis, les inégalités... quand il promet plutôt la surveillance généralisée.
« Rien ne sera comme avant », a juré Emmanuel Macron pendant la crise sanitaire. Pourtant, depuis des décennies, les gouvernements successifs n'ont cessé d'encourager la loi du profit, la marchandisation de tout et le démantèlement des biens communs.
A travers le prisme de l'hypermarché, Clémentine Autain montre ce qui doit changer, maintenant. Au fil d'un récit mêlant l'intime et le politique, elle appelle à une transformation profonde, sociale et écologiste, qui ne résultera pas de l'addition de gestes individuels mais de la conscience et de l'action collectives.