La conquête des marchés est aussi un art de la guerre. Il est resté plus méconnu que la pratique du monde militaire. Cet ouvrage retrace le cheminement de la guerre économique au cours des trente dernières années. La société de l'information a rendu peu à peu visible les différents types de rapports de force opposant les Etats, les entreprises et les activistes de la société civile. L'auteur s'appuie sur la démarche pédagogique innovante initiée au sein de l'Ecole de Guerre Economique qu'il dirige depuis sa création en 1997.
Guerre de l'information, espionnage économique, cyberattaques, guerres hybrides, démantèlement industriel, déstabilisations financières... Les entreprises françaises sont devenues des cibles.
Guerre économique est le premier ouvrage annuel qui décrypte en temps réel les guerres de l'ombre qui mettent en danger notre économie...
Qui menace les intérêts français ? Pas toujours ceux que l'on croit :
- des adversaires mais aussi des alliés : États-Unis, Chine, Russie, Allemagne...
- des mafias
- des fonds d'investissement
- des GAFAM
... et même d'anciens hauts responsables français.
Voici une publication de l'École de guerre économique, pionnière sur le sujet depuis 1997, par son centre de recherche 451 composé :
- d'experts reconnus sur le sujet : Christian Harbulot, Ali Laïdi, Nicolas Moinet
- de professionnels de l'intelligence économique
- d'un philosophe (Dany-Robert Dufour), un ex-espion (Maxime Renahy), des journalistes et des historiens
Encensée, fantasmée, décriée, ultra médiatisée et pourtant méconnue, l'intelligence économique n'a rien de commun avec ce nouvel avatar de Big Brother que nous décrivent complaisamment adeptes de la théorie du complot et autres amateurs de caricatures orwelliennes. Loin des stéréotypes qui entourent trop souvent ce sujet sensible, Nicolas Moinet signe une analyse remarquable sur une activité dont les premiers balbutiements remontent à la Seconde Guerre mondiale et qui marque aujourd'hui en profondeur le développement de nos sociétés en réseaux. Acquisition d'informations stratégiques, soutien aux conquêtes de marchés par les entreprises, capacité d'imposer internationalement des normes, des images et des valeurs, activités de veille et de protection des données confidentielles: art de la gestion des connaissances autant qu'art de la guerre, l'intelligence économique consiste d'abord et surtout à comprendre un environnement complexe et à prendre la bonne décision. Nicolas Moinet nous rappelle qu'elle obéit uniquement à des sources et des moyens légaux, et se distingue donc de l'espionnage industriel. Il nous montre également que l'intelligence économique interroge la notion de " capitalisme cognitif " qui est au coeur de la mutation actuelle des rapports de force économiques. Enfin, études de cas à l'appui, il fait de la communication la clé de l'agilité stratégique, redonnant à cette dimension oubliée la place qui lui revient.
Extrait
« Il en est des Etats comme d’un bâtiment qui navigue et comme d’une armée ; il faut de la froideur, de la modération, de la sagesse et de la raison dans les conceptions des ordres, commandements et lois, de l’énergie et de la vigueur dans leur exécution. » (Napoléon Bonaparte)
La puissance rêve de démocratie, mais la démocratie craint toujours les caricatures de la puissance qui nous révélèrent le visage glacé de la mort. Le XXe siècle a confondu le nationalisme, le totalitarisme et la volonté de façonner le destin national, c’est-à-dire ce que nous devons – sans angoisse idéologique – qualifier de recherche d’accroissement de puissance. Cette dernière ne se définit aucunement comme quête morbide de domination, projet d’hégémonie et d’extension territoriale ; elle s’affirme comme la mise en œuvre d’une projection souhaitable de l’avenir d’une collectivité humaine consciente d’elle-même. Pour incarner notre propos, il n’est de meilleur exemple que de citer l’ambition gaullienne d’une « certaine idée » de la France qui détermine précisément la politique de puissance patiemment construite par le Général de Gaulle de 1958 à 1969. Le choix de la « troisième voie », d’un chemin d’indépendance passant par une autonomie stratégique et un grand dessein industriel manifesta une conception spécifique de la puissance fondée sur la vieille idée – jaillie du fond de notre histoire – de la France « contre les empires ». Plus que jamais, cette option apparaît comme un choix d’avenir dans une époque qui démontre que les rapports de force géoéconomiques et sécuritaires planétaires, encastrés dans la mondialisation (qui n’a pas effacé les nations), imposent de ne pas choisir un camp.
Entre les Etats-Unis, la Chine, la Russie et quelques autres, le jeu de la puissance pour la France et l’Europe se confond avec l’espérance d’un gouvernement authentiquement démocratique et soucieux d’une scène internationale favorable aux libertés des nations et des individus. A cet égard, nous ne pouvons mieux dire qu’Emmanuel Todd dans L’illusion économique : « Au cœur de la crise, nous devons donc identifier un effondrement des croyances collectives, et particulièrement de l’idée de nation. Nous constatons, empiriquement, que l’effondrement de cet encadrement social et psychologique n’a pas mené à la libération et à l’épanouissement des individus mais au contraire à leur écrasement par un sentiment d’impuissance. Nous sommes ici au cœur du mystère humain. Toute croyance véritable, forte et structurante, est simultanément individuelle et collective, ainsi que le souligne le terme même de religion qui renvoie à une foi personnelle et à un lien social. Ce que démontre abondamment l’histoire de l’humanité, c’est que l’individu n’est fort que si sa collectivité est forte. Les grands de l’histoire, personnalités décrites et perçues comme exceptionnelles et exemplaires, s’appuient toujours sur des collectivités cohérentes [...]. Seul, et convaincu de sa solitude, l’individu se révèle incapable de croire réellement en la nécessité d’atteindre un objectif quelconque. C’est pourquoi le déclin des croyances collectives mène inexorablement à la chute de l’individu. Dans une telle ambiance peuvent émerger des dirigeants égarés, grégaires, mimétiques, assoiffés de reconnaissance plutôt que de réel pouvoir : simultanément incapables d’agir collectivement et d’exprimer des opinions individuelles »(1). Il est exact que l’on pourrait convoquer des contre-exemples, mais ils s’imposent précisément comme des exceptions.
S’inscrire dans cette logique libérale et humaniste – mais non naïve – de la puissance, suppose bien entendu de prendre au sérieux la posture stratégique. Qu’entendons-nous par là ? La conviction que la stratégie rend possible la puissance et que son absence réduit à néant les possibilités de développement et d’épanouissement global (matériel et culturel) d’une nation. Pour être encore plus précis, la poursuite d’une action finalisée en milieu conflictuel, qui caractérise la stratégie, forme le socle de tout projet politique. Revenir sur ce théorème de l’art d’organiser le bien commun, y renoncer systématiquement, conduit fatalement à la ruine et, parfois, au déshonneur, 1940 nous est témoin.
Or, il n’est pas certain que la France ait l’âme stratégique… Souvent dans son histoire, elle semble prouver un déficit de continuité dans le pilotage des affaires de l’Etat. Nul n’est besoin d’ailleurs de tenter de mettre en parallèle les mérites de la monarchie et ceux de la république. Les deux régimes laissent voir des carences stratégiques majeures : il suffit de citer la révocation de l’Edit de Nantes par Louis XIV en 1685, et l’absence de réaction de la IIIe République face aux provocations répétées d’Hitler entre 1935 et 1939. Certes, on peut douter que de nombreux pays présentent un plus brillant bilan. Très près de nous, la politique étrangère des Etats-Unis au Moyen-Orient depuis 2001 relève du pur désastre.
Il n’en reste pas moins que des facteurs critiques d’échec spécifiques placent la France dans une situation structurellement défavorable dès que l’on aborde le raisonnement stratégique en dehors de l’espace militaire. C’est en un sens tout le propos de la démarche intellectuelle du Général Vincent Desportes dans ses ouvrages successifs et dans La dernière bataille de France en particulier. En effet, l’inaptitude de nos dirigeants politiques à se projeter et à regarder au loin (sans se couper du réel) pose aujourd’hui une invincible difficulté.
Le présent texte s’enracine dans ce constat et explore l’hypothèse que c’est une véritable idéologie de l’impuissance, c’est-à-dire une culture, une construction mentale et une psychologie collective répandue au sein de nos élites, qui aiguise et rend chaque jour davantage problématique l’élaboration et la concrétisation opérationnelle quotidienne d’une stratégie de puissance française, condition fondamentale – de surcroît – d’une éventuelle cristallisation européenne de la dynamique de raisonnement stratégique.
Nous avons choisi de l’expliquer et de l’illustrer à travers trois cas concrets : l’obsession identitaire, la vassalisation vis-à-vis des Etats-Unis, et l’échec de la politique industrielle française depuis plus de 25 ans.