Camille Toffoli croit que les serveuses de diners, les chanteuses country, les sad girls et les championnes de rodéo ont quelque chose de fondamental à nous apprendre sur les rapports de genre et les privilèges de classe. Filles corsaires construit une pensée qui a les deux pieds dans la vie, qui jette son dévolu sur les figures oubliées et les angles morts d'un certain féminisme universitaire.
Pourquoi le célibat volontaire, l'autonomie sexuelle et la non-maternité sont-ils toujours frappés de suspicion ? L'amitié peut-elle réellement lutter contre l'hétéronormativité ? Comment penser une politique de la solitude ? L'autrice investigue ces questions, et bien d'autres, à travers une série de portraits où les anecdotes côtoient les réflexions philosophiques. Une éthique féministe inconfortable qui se déploie quelque part entre les journées de travail en librairie, les soirées karaokés et les brunchs deux oeufs-bacon.
La revue Spirale propose un numéro printanier sur l'appropriation culturelle où les collaboratrices et les collaborateurs réfléchissent sur ce que signifie le fait de parler en lieu et place d'autrui. Le dossier, présenté par Eftihia Mihelakis, explore plusieurs thèmes et enjeux : les cultures autochtones, le rapport à la censure, les sans-papiers en France, les droits d'auteur, le racisme anti-Noirs et bien plus. Il comporte entre autres un entretien avec Barbara Métais-Chastanier, un dialogue entre Nathalie Batraville et Rachel Zellars et des essais de Catherine Mavrikakis et de Mélikah Abdelmoumen. Lisez également une lettre de Sophie Létourneau, une deuxième chronique sur la critique par Catherine Voyer-Léger, un portfolio de Maryse Goudreau présenté par Claire Moeder, des recensions critiques par Kevin Lambert, Laurence Pé, Rebecca Leclerc, Martin Hervé, Luba Markovskaia, Pierre Popovic, Simon Lévesque, Yan Hamel, Clément Willer et Caroline Hogue, puis en théâtre, les critiques de Gilbert David et de François Jardon-Gomez.
« Êtes-vous sérieux ? » demande la revue Spirale qui se penche sur les postures ironiques et l'usage du trivial pour ce numéro estival. Si le dérisoire ramène à l'insignifiant et au ridicule, et que trivial relève plutôt de l'ordinaire et du banal, ensemble, en complémentarité, ils définissent le niaiseux. « Tous les collaborateurs et collaboratrices confirment [...] que le niaiseux n'est jamais tout à fait niaiseux et qu'il porte souvent en lui son envers : un regard non complaisant sur l'ordinaire de notre vie et le dérisoire de nos pratiques. » Constatez-le en lisant un entretien avec Mathieu Arsenault, un portait de Kent Monkman, et des recensions de L'empire familier, La danse de l'ours, Querelle de Roberval, La meute, Dans le champ amoureux, Ce qu'on respire sur Tatouine et Les ananas de la colère. Le numéro comprend aussi de nombreux autres essais sur des ouvrages parus récemment et un portfolio de l'artiste Myriam Jacob-Allard (en couverture).
Le soixantième anniversaire de Liberté nous apparaît comme un excellent prétexte pour faire, à notre manière, une radiographie du débat d'idées au Québec, tout en revisitant l'héritage intellectuel et littéraire qui s'est constitué dans nos pages, au fil du temps. Ce numéro, le premier de deux volumes, présente un aspect non définitif. Nous tentons de traduire un mouvement, d'amorcer un dialogue. Si, au départ, nous voulions réfléchir à la question des gains et des pertes, le déploiement des textes brouille largement ces catégories, en renégociant l'histoire suivant des axes multiples. Nous réinterrogeons et recontextualisons continuellement le lieu d'où l'on parle. Ainsi, la revue elle-même n'est pas le point focal des réflexions proposées ici, mais elle apparaît en quelque sorte comme une maison, comme un espace d'exception et de contagion, un lieu de relais, où les générations se succèdent. Toujours, nous nous posons cette question : comment l'habiter, cette maison, et avec qui ? Qui manque à l'appel, qui n'est pas encore arrivé ?
Quels combats ont abouti, et lesquels se sont enlisés, ont été abandonnés en cours de route ? Les paramètres de la lutte ont-ils changé et si oui, comment ? Ces questionnements sont à déployer autant sur le terrain de l'art que sur celui du politique. Si l'on regarde dans notre rétroviseur, on remarque que toutes les revendications exprimées à travers la société n'ont pas été considérées avec le même sérieux, au fil du temps. Comment éclairer ces angles morts ? Peut-être réussissons-nous somme toute mieux à faire résonner les voix, à faire parler les marges ?
Des autorités douces, protectrices, brutales, terrifiantes !
Sous la direction de Gaëtan Brulotte, le thème « Autorités » propose dix nouvelles. Dans ce numéro, les lecteurs trouveront des figures d'autorité protéiformes. Il y en a de douces fondées sur une compétence, qui inspirent de la considération ; ailleurs, ceux qui devraient être des modèles de sagesse présentent un tout autre visage. Parfois, l'autorité prend des formes subtiles et poétiques. Il y a aussi, bien sûr, des abus d'autorité qui sont plus ouvertement littéraux et musclés. L'ultime figure autoritaire est assurément celle qui s'attribue un droit de vie ou de mort sur les autres. Mais, au final, peut-être verra-t-on se dessiner en pointillé, dans ces nouvelles, autant de plaidoyers pour la liberté.
La deuxième partie de ce numéro est consacrée au nouvellier et éditeur Gilles Pellerin. L'auteur répond aux questions de Hugues Corriveau dans un entretien substantiel qui couvre sa trajectoire depuis la fondation des Éditions de L'instant même et ses premières publications. S'ensuivent une nouvelle inédite et un compte rendu détaillé du plus récent recueil de micronouvelles de Gilles Pellerin, i2 (i carré).
À mesure que la ville est accaparée par les intérêts immobiliers et que le territoire est grignoté par un étalement urbain hors de contrôle, le ciel, c'est l'idée toute simple à l'origine de ce dossier, disparaît. La ville se densifie. L'accès à la nature se complexifie. Nous sommes de plus en plus nombreux à vivre enclavés, privés de la possibilité même de contempler l'horizon, de laisser notre regard se perdre dans l'immensité. La disparition du ciel, c'est aussi l'effritement de notre rapport au mystère, à l'impalpable, voire au sacré. Quelles formes de spiritualité cultive-t-on aujourd'hui ? Notre vie intérieure, notre imaginaire, sont-ils aussi étroits que les espaces que nous habitons ? Nous nous sommes affranchis, et tant mieux, des dogmes imposés par la religion, mais il semble parfois que notre capacité à estimer la valeur de l'immatériel, de ce qui ne peut pas être saisi et quantifié, s'est émoussée.
Au printemps 2020, lorsque nous nous sommes tous, sans exception mais dans des conditions fort inégalitaires, retrouvés pris entre quatre murs, la disparition du ciel a soudain acquis un sens très concret, pressant, nous incitant à réévaluer nos manières de vivre et de concevoir le monde. La disparition du ciel désigne aussi, et peut-être même avant tout, ce blocage de notre horizon symbolique et politique. Nous avons apprécié la lenteur amenée par le confinement, et durant nos marches quotidiennes nous avons beaucoup regardé le ciel, presque un ciel de campagne tellement il était cristallin. L'air était bon, le silence était clair. Alors que la vie reprend son cours, n'oublions pas de lever les yeux au ciel, et demandons-nous comment y projeter, enfin, des rêves plus justes et plus porteurs.
Le droit est partout. Les moindres parcelles de nos existences sont susceptibles d'être happées par les filets de la judiciarisation et les revendications de droits se multiplient. Les pires cauchemars de Kafka habitent de plus en plus notre quotidien et le développement du droit sado-libéral, pour reprendre l'expression de Dany-Robert Dufour, est en train de pervertir les visées d'émancipation et de nous faire oublier jusqu'à l'idée même de justice... Quelle place le droit fait-il aujourd'hui à l'idéal de justice dans notre monde ? Peut-on encore poser la question de rapports justes entre les gens dans une perspective qui échappe au strict respect des formes prescrites par le droit ? Liberté se penche sur ces enjeux dans le dossier de son numéro de septembre, qui porte sur « Le droit sans la justice ».