Les agriculteurs, hier majoritaires dans la société française, représentent aujourd'hui un groupe social parmi d'autres. Pourtant, il se distingue par la persistance de son poids électoral et l'originalité de son rapport au pouvoir politique. Il connaît une diversité grandissante de fonctions en même temps qu'une disparité inégalée dans les écarts de revenus.
Quelles sont aujourd'hui les continuités et discontinuités entre la première vague utopique des années 1970 et les modalités actuelles d'un « désir de campagne », devenu - et plus encore avec la pandémie de la Covid 19 - l'utopie portative d'un nombre croissant d'habitants des villes ?
Le mouvement d'émigration de jeunes urbains vers les espaces désertifiés du sud de la France, qui a marqué les années postérieures à la révolution culturelle de 1968, se prolonge et dure encore. Il a pris de nouvelles formes et trouve, dans l'urgence écologique, un nouveau moteur. Les profils sociaux et les projets de ces néo-ruraux sont toutefois différents des premiers « émigrants de l'utopie ». C'est l'ensemble de ce mouvement que cet ouvrage dépeint et interroge.
Bertrand Hervieu, sociologue, est spécialiste des questions agricoles et rurales, ancien directeur
de Recherches au CNRS et ancien président de l'Institut National de la Recherche
Agronomique et Environnementale (INRAE), inspecteur général de l'agriculture honoraire.
Danièle Hervieu-Léger, sociologue, est spécialiste des faits religieux contemporains et des
utopies, directrice d'études honoraire et ancienne présidente de l'École des Hautes Études
en Sciences Sociales (EHESS).
Avec La fin des paysans, Henri Mendras avait décrit à la fois l'exode rural et la mutation du paysan vers l'agriculteur. Le paysan est mort ? Vive le chef d'exploitation sur une ferme familiale et mécanisée. Tel a été, depuis les années 1960, le projet politique de nos campagnes. Qu'en est-il aujourd'hui ? Pourquoi ce mal-être des agriculteurs ?
Bertrand Hervieu et François Purseigle montrent ce modèle agricole s'est peu à peu effacé. En 2020, le chef d'exploitation ne représente plus qu'1,6% de la population active. La production est assurée de plus en plus par des salariés ou des sous-traitants, encadrés par des firmes. Dans les espaces ruraux, les agriculteurs, devenus minoritaires, ne portent plus leur vision du territoire.
Directeur de recherche au CNRS, Bertrand Hervieu est sociologue, spécialiste des questions rurales et agricoles.
François Purseigle est professeur en sociologie. Il dirige le département de Sciences économiques, sociales et de gestion de l'École nationale supérieure agronomique de Toulouse (INP-ENSAT). Il a notamment dirigé, aux Presses de Sciences Po, Le nouveau capitalisme agricole. De la ferme à la firme (2017).
Pendant soixante ans, les sociologues ont observé le déclin des paysans et annoncé parfois leur disparition. De leur côté, les démographes constatent aujourd'hui que les producteurs agricoles n'ont jamais été aussi nombreux à la surface d'une planète à dominante urbaine. Cette contradiction constitue une question majeure pour les sciences sociales des mondes ruraux.
Dans cette perspective, les auteurs proposent une relecture des « classiques ». Comment s'est structuré le débat entre ceux qui annoncent la fin des paysans et ceux qui pronostiquent leur maintien dans un état transformé ou prolétarisé ?
L'ouvrage revient sur les grands bouleversements qui ont affecté les campagnes françaises et le métier d'agriculteur. Il analyse la place singulière et paradoxale occupée dans la société française par les agriculteurs : minoritaires mais segmentés, dispersés mais pourtant bien repérables comme force sociale et politique. Il propose enfin d'appréhender la recomposition des paysanneries dans la globalisation autour de trois pôles : la famille, la firme et la subsistance.
"Pourquoi faut-il repenser le monde agricole ?
"Parce que les agriculteurs apparaissent encore comme un groupe social facilement repérable dans la société française et parce cette population-là porte, à travers ses activités, de nombreux enjeux: économiques, environnementaux, alimentaires. Il faut repenser le monde agricole à l'aune de la réorganisation des formes productives, de la réorganisation des formes d'agriculture".Un monde à repenser, Sud-Ouest, 7 février 2013 (ITW de François Purseigle et Bertrand Hervieu)
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