Qu'est-ce qu'un vampire ? Alors qu'on imagine volontiers un Dracula se nourrissant du sang des vivants, le sociologue Arnaud Esquerre donne à voir un tout autre visage, beaucoup plus complexe, de ces êtres entre la mort et la vie. On apprend ainsi qu'ils ont un lieu et une date de naissance : en Europe, au XVIII e siècle. Ils commencent alors à peupler les discours, qu'on soutienne ou nie leur existence. Au fil du temps, les vampires vont désigner aussi bien une variété de chauve-souris qu'un personnage à succès de la littérature (de Lord Byron à Bram Stoker) ; une catégorie médicale cherchant à rendre compte des cas de nécrophilie ; ou, pour Karl Marx, les capitalistes ; ou encore les protagonistes d'un film comique comme dans Le Bal des vampires.
Nous sommes ainsi mis sur la trace des vampires, les suivant dans des sources aussi diverses qu'inattendues, des archives médicales à la série True Blood, en passant par les écrits de naturalistes. Cette enquête décrit la destinée d'un mot inven[1]té et utilisé sinon pour résoudre, du moins pour affronter, une contradiction commune à tous les êtres humains : comment vit-on avec le fait de mourir ?
Arnaud Esquerre est sociologue, et directeur de recherche au CNRS. Il a récemment publié Interdire de voir (Fayard, 2019) et, avec Luc Boltanski, Qu'est-ce que l'actualité politique ? (Gallimard, 2022).
Qu'est devenue la vérité ? À l'heure de la mise en oeuvre de la première loi supposée limiter les fake news, Arnaud Esquerre, spécialiste des phénomènes de croyance, analyse la logique propre à ces faits alternatifs et les raisons de leur succès dans la sphère publique.
Au début du xxie siècle, en France, il est des images filmées dont l'État interdit l'accès à une catégorie du public, les mineurs, parce que leurs effets sont jugés dangereux : ce sont des images d'actes sexuels, des images d'actes violents, ou les deux. De quelle instance procèdent ces décisions ? Selon quels critères ? Avec quelles conséquences en cas de contestation de la décision du gouvernement, aussi bien par les artistes que par des associations de spectateurs au nom de la protection de la jeunesse et du respect de la dignité humaine ?
Arnaud Esquerre a assisté aux débats en huis clos des membres de la Commission de classification. Il analyse comment les commissaires interprètent et rendent un avis sur les films. Il se penche aussi sur la manière dont des décisions ministérielles délivrant des visas ont été remises en cause à plusieurs reprises depuis le film Baise-moi en 2000.
Il peut sembler évident que la liberté d'expression en France, un État se présentant comme démocratique, ne cesse de s'étendre et que cette extension sera acquise pour toujours. Pourtant, en pénétrant dans les coulisses de la « censure » au cinéma telle qu'elle s'exerce aujourd'hui, ce que la lectrice ou le lecteur sont invités à découvrir, c'est pourquoi la liberté d'expression n'est jamais définitivement gagnée.
Arnaud Esquerre est sociologue. Chargé de recherche au CNRS, il est directeur de l'Institut de recherche interdisciplinaire sur les enjeux sociaux (IRIS - EHESS, CNRS, Inserm, Paris 13).
Alors que l'astrologie est très répandue sous la forme populaire des horoscopes, mais aussi des consultations astrologiques, nous savons peu de choses sur elle. Pourtant les questions ne manquent pas : les astrologues sont-ils des «charlatans » qui s'autodésignent « astrologues » ? Peuvent-ils être comparés à des thérapeutes ou à des poètes ? Les horoscopes sont-ils rédigés de la même manière depuis la Renaissance, voire depuis l'Antiquité ?
L'enquête menée propose de conduire le lecteur au coeur de la consultation astrologique : que s'y passe-t-il précisément ? Cette expérience peut-elle être rapprochée de la sorcellerie ou de la voyance ? Enfin, pourquoi tant de personnes ont-elles recours à l'astrologie au début du XXIe siècle en France ?
À toutes ces interrogations, les réponses apportées par l'étude sociologique d'Arnaud Esquerre sont souvent inattendues et invitent à s'interroger, plus largement, sur le rapport entre temps et langage.Sociologue, Arnaud Esquerre est chargé de recherche au CNRS, membre du Laboratoire d'ethnologie et de sociologie comparative (LESC, Nanterre) et a enseigné à Sciences Po et à l'EHESS. Il est l'auteur de La manipulation mentale. Sociologie des sectes en France (2009) et Les os, les cendres et l'Etat (2011), chez Fayard.
Depuis le milieu du xxe siècle, les mystérieux témoignages d'ovnis, de soucoupes volantes et de phénomènes aériens non identifiés ont fleuri. Les témoins ne se connaissent pas, ne vivent ni au même endroit, ni parfois à la même époque, mais tous leurs récits se ressemblent : quelqu'un raconte avoir aperçu dans le ciel, de manière soudaine et inattendue, puis avoir perdu de vue, tout aussi subitement, une chose qu'il ne reconnaît pas. Comment ces récits énigmatiques peuvent-ils être résolus ?
En se plongeant dans les centaines de témoignages collectés en France depuis les années 1970 par un petit département du Centre national d'études spatiales qui leur est strictement dévolu (le GEIPAN) et dans les procès-verbaux des enquêtes de gendarmerie, Arnaud Esquerre propose une nouvelle piste : tous ces témoignages ont une structure commune qui place l'incertitude au coeur de ce qui a été vécu.
Comprendre ainsi que des récits aussi étonnants que ceux d'événements extraterrestres sont, en fait, des récits fantastiques, même s'ils ne sont pas littéraires, c'est aussi une manière d'explorer notre rapport à la réalité.
Arnaud Esquerre est sociologue, chargé de recherche au CNRS. Il est l'auteur de La manipulation mentale. Sociologie des sectes en France (2009), Les os, les cendres et l'État (2011), Prédire. L'astrologie au xxie siècle en France (2013), aux éditions Fayard, et, avec Luc Boltanski, de Vers l'extrême. Extension des domaines de la droite (2014).
Qui aujourd'hui se préoccupe des os et des cendres des personnes décédées? Personne, est-on tenté de répondre tant on répète à l'envi que notre société individualiste vit dans le déni de la mort. Et pourtant, l'enquête sociologique d'Arnaud Esquerre révèle à l'inverse que l'Etat ne s'est jamais autant soucié des morts. Depuis que le contrôle de l'Eglise sur les restes humains a perdu de sa vigueur, la puissance publique a commencé à s'intéresser aux os et aux cendres. Face aux bouleversements des trente dernières années (essor de la crémation, développement des preuves par l'ADN, demandes de restitution des têtes maories, etc.), l'Etat déploie une nouvelle politique : interdire que les morts, même réduits en cendres, séjournent ailleurs que dans l'espace public, empêcher ou limiter l'exposition de restes humains, même s'ils sont considérés comme des oeuvres d'art, distinguer les morts "nationaux" appelés à rester sur le territoire et les autres, instituer la notion de profanation, largement punie. Derrière ces changements majeurs des relations entre les os, les cendres et l'Etat se joue une nouvelle politique de la mort, méconnue et passionnante.
Comment lutter contre les dérives possibles des groupes sectaires ? Quand les membres de sectes sont victimes d'escroquerie, d'atteintes à leur personne, de séquestration ou d'autres types de délits connus, l'Etat dispose d'un arsenal juridique efficace pour mener des actions et, après procès, obtenir d'éventuelles condamnations. Hors de ces délits caractérisés, la lutte contre les sectes relevait jusqu'aux années 1960 de la seule Eglise catholique, soucieuse de combattre de « fausses églises ».
Mais à partir des années 1970, cette lutte s'est émancipée du giron de l'Eglise et a changé de nature. Il s'est agi de lutter contre la manipulation mentale que feraient subir ces groupes à leurs adeptes, les privant de tout libre arbitre. L'Etat, qui s'est fait le relais de ce combat initié par des groupes de victimes et de proches de victimes, a donc cherché à qualifier juridiquement la manipulation mentale.
Dans les années 2000, cette lutte a abouti à la création d'un délit pénal punissant la sujétion psychologique. Mais comment peut-on qualifier une situation de manipulation mentale ? Qui peut l'expertiser ? Cette sujétion psychologique est-elle réservée aux sectes ou s'applique-t-elle dans d'autres situations ? Et agir par le droit a-t-il permis de faire disparaître ou de réduire les manipulations mentales ?
Arnaud Esquerre a mené l'enquête pendant plusieurs années auprès de toutes les parties concernées : victimes, proches des victimes, membres de sectes, représentants de l'Etat, juges, etc. Il raconte en sociologue comment la France a inventé le délit de « sujétion psychologique ». Il montre ses implications pour nous tous : ces combats contre la manipulation mentale sont autant d'agencements à travers lesquels l'Etat exerce un pouvoir sur le psychisme des êtres humains. Un pouvoir particulièrement inquiétant parce qu'il laisse à ceux qui en ont la maîtrise une marge d'arbitraire très grande.
Arnaud Esquerre est sociologue, rattaché au groupe de sociologie politique et morale (GSPM) à l'Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales, et il a enseigné à Sciences Po Paris de 2005 à 2008.
L'originalité des recherches de Luc Boltanski et Arnaud Esquerre n'est plus à démontrer.
Les deux sociologues s'intéressent dans ce nouvel ouvrage à deux processus constitutifs de l'espace public. D'une part, les processus de mise en actualité : se saisissant de ce qui se passe maintenant, ces processus font connaître à nombre de personnes l'existence de faits que ces dernières n'ont pas, pour la plupart, directement vécus et les accompagnent généralement d'une description et d'une interprétation. Et, d'autre part, les processus de politisation : se saisissant de faits mis en actualité, ces processus les problématisent, en sorte que l'actualité concerne chacun, et par conséquent aussi l'État, tout en donnant lieu à des interprétations dont les divergences suscitent des commentaires, des polémiques et des divisions.
Boltanski et Esquerre fondent leurs analyses sur les milliers de commentaires mis en ligne par des lecteurs du quotidien Le Monde en septembre et octobre 2019 ; et les milliers de commentaires postés sur deux chaînes de vidéo d'actualité passée mises en ligne en janvier 2021 par l'Institut national de l'audiovisuel. Chemin faisant, ils reconstituent la norme du dicible en comparant les commentaires publiés et les commentaires rejetés par les instances de modération ; ils saisissent des opinions en train de se faire, au lieu de les recueillir sous la forme stabilisée, souvent réflexive et prudente, des réponses à des entretiens ou des sondages. Ils cartographient les processus de politisation à notre époque, tels le féminisme, l'écologie, l'immigration, les religions, le nationalisme, l'Europe, etc.
Loin d'être un livre de plus sur la presse, les médias ou les réseaux sociaux, c'est ici un grand livre sur la formation de l'opinion politique en démocratie et la manière dont en sont affectées nos vies quotidiennes.
Luc Boltanski et Arnaud Esquerre restituent le mouvement historique qui, depuis le dernier quart du XXe siècle, a profondément modifié la façon dont sont créées les richesses dans les pays d'Europe de l'ouest, marqués d'un côté par la désindustrialisation et, de l'autre, par l'exploitation accrue de ressources qui, sans être absolument nouvelles, ont pris une importance sans précédent. L'ampleur de ce changement du capitalisme ne se révèle qu'à la condition de rapprocher des domaines qui sont généralement considérés séparément - notamment les arts, particulièrement les arts plastiques, la culture, le commerce d'objets anciens, la création de fondations et de musées, l'industrie du luxe, la patrimonialisation et le tourisme. Les interactions constantes entre ces différents domaines permettent de comprendre la façon dont ils génèrent un profit : ils ont en commun de reposer sur l'exploitation du passé.
Ce type d'économie, Boltanski et Esquerre l'appellent économie de l'enrichissement.
Parce que cette économie repose moins sur la production de choses nouvelles qu'elle n'entreprend d'enrichir des choses déjà là ; parce que l'une des spécificités de cette économie est de tirer parti du commerce de choses qui sont, en priorité, destinées aux riches et qui constituent aussi pour les riches qui en font commerce une source d'enrichissement.
Alors l'analyse historique revêt, sous la plume des auteurs, une deuxième dimension : l'importance, l'extension et l'hétérogénéité des choses qui relèvent désormais de l'échange ouvrent sur une critique résolument nouvelle de la marchandise, c'est-à-dire toute chose à laquelle échoit un prix quand elle change de propriétaire, et de ses structures. La transformation, particulièrement sensible dans les États qui ont été le berceau de la puissance industrielle européenne, et singulièrement en France, devient indissociable de l'analyse de la distribution de la marchandise entre différentes formes de mise en valeur.
On comprend d'entrée que cet ouvrage est appelé à faire date.
This book offers a major new account of modern capitalism and of the ways in which value and wealth are created today. Boltanski and Esquerre argue that capitalism in the West has recently undergone a fundamental transformation characterized by de-industrialization, on the one hand, and, on the other, by the increased exploitation of certain resources that, while not entirely new, have taken on unprecedented importance. It is this new form of exploitation that has given rise to what they call the ‘enrichment economy’.
The enrichment economy is based less on the production of new objects and more on the enrichment of things and places that already exist. It has grown out of a combination of many different activities and phenomena, all of which involve, in their varying ways, the exploitation of the past. The enrichment economy draws upon the trade in things that are intended above all for the wealthy, thus providing a supplementary source of enrichment for the wealthy people who deal in these things and exacerbating income inequality.
As opportunities to profit from the exploitation of industrial labour began to diminish, capitalism shifted its focus to expand the range of things that could be exploited. This gave rise to a plurality of different forms for making things valuable – valuing objects in terms of their properties is only one such form. The form that plays a central role in the enrichment economy is what the authors call the ‘collection form’, which values objects based on the gap they fill in a collection. This valuation process relies on the creation of narratives which enrich commodities.
This wide-ranging and highly original work makes a major contribution to our understanding of contemporary societies and of how capitalism is changing today. It will be of great value to students and scholars in sociology, political economy and cultural studies, as well as to anyone interested in the social and economic transformations shaping our world.