Le 18 novembre 2020, en pleine pandémie de Covid-19, un étrange pilier métallique fait son apparition soudaine dans la vallée de San Juan County dans l'Utah. Il suscite immédiatement une fascination mondiale qui atteint bientôt son climax hystérique lorsque d'autres structures identiques sont découvertes aux quatre coins du globe. D'où venaient-elles ? Qu'étaient-elles ? Que signifiaient-elles ? Renvoyant à l'imagerie antique des monolithes, dont Stanley Kubrick avait fait l'icône de son film 2001, L'Odyssée de l'espace, ce phénomène a réactivé une fascination ancienne, mêlant angoisse et excitation. Bien loin de se réduire à de simples traces d'un passé révolu, les monolithes traduisent la victoire de forces mystérieuses sur le cours du temps, dont le message persiste malgré l'oubli et la destruction des civilisations. Traversant les époques et les continents, passant du mythe de Cthulhu à la théosophie, du cosmisme russe aux druides des romantiques ou encore aux théories complotistes sur les « Anciens Astronautes », Antonio Dominguez Leiva, le maître de la pop culture, raconte ici l'histoire de cette fascination pour le pouvoir occulte de puissances immémorielles.
Le coeur du numéro d'été du magazine est certainement son dossier central, piloté par Sébastien Dulude et Sylvano Santini, et intitulé « Sous le radar ». De nos jours, la multiplicité des plateformes et l'instantanéité de l'actualité nous donnent parfois l'impression que toute l'information, y compris la totalité des productions culturelles, nous serait facilement accessible. Scoop : il s'agit évidemment d'un leurre... Spirale examine ces questions en rassemblant des recensions sur des phénomènes interrogeant notre rapport à tout ce qui est invisible. Éphéméréité intrinsèque, enjeux liés à la sécurité de l'identité ou plus simplement troublante singularité, Spirale plonge dans les abysses du web! Le numéro inclut également un portfolio de l'artiste albertain Charles Stankievech ainsi que des comptes rendus sur Vollmond, création de Pina Baush, La vie flottante de Louise Warren, et plusieurs autres. En bouquet final, Antonio Domínguez Leiva consacre sa chronique Afterpop à l'incontournable GIF de John Travolta tristement victime de « désorientation virale ».
Le jeune penseur québécois Pierre-Alexandre Fradet et l'écrivain français Tristan Garcia nous introduisent, avec ce dossier, dans la pensée du monde sans sujet, sans humain du « réalisme spéculatif ». Plus qu'un mouvement embryonnaire, ce mouvement dépasse aujourd'hui les frontières de la philosophie et s'exprime dans les domaines les plus variés: la politique, l'art, l'écologie, l'informatique. On évoque ici les noms de ses fondateurs Quentin Meillassoux, Graham Harman, Ray Brassier et Iain Hamilton Grant, mais aussi celui Bruno Latour, dont l'Actor-Neork Theory. Ce dossier inclut un article essentiel d'Érik Bordeleau sur la fulgurante mise en scène «hyperstitionnelle» qui a bouleversé l'imaginaire de la pensée spéculative contemporaine: Cyclonopedia du philosophe iranien, Reza Negarestani.
La censure est violente et elle frappe partout. Outre le fanatisme dans sa version la plus sanglante, tout près de nous les réseaux sociaux relaient tous les jours des cas de censure que nous n'aurions pas imaginé il y a quelques années. Mais si le sexe et le blasphème sont toujours en ligne de mire de la censure religieuse, une autre censure, bien-pensante celle-là, prend le relais et induit, au nom du respect de la foi de chacun, un recul des liberté de tous. Dans son dossier thématique consacré aux "nouveaux" enjeux de la censure, Spirale évoque des livres d'horizons différents, pas seulement ceux issus des suites des attentats à Charlie Hebdo, mais d'autres qui interrogent le droit, l'histoire, les sciences humaines, la littérature et qui, à défaut de donner des réponses, réaffirment avec force que toutes les questions sont bonnes à poser. Hors dossier, un superbe portfolio de l'artiste montréalaise d'origine vietnamienne Jacqueline Hoang Nguyen, des compte-rendus de Ninfa Fluida de Georges Didi-Huberman, 666 Friedrich Nietzsche de Victor-Lévy Beaulieu et Six degrés de liberté de Nicolas Dickner, entre autres.
Intitulé Art et savoir, le dossier de cette édition du printemps 2017 reprend les réflexions philosophiques de Foucault et Adorno en ce qui concerne le jugement d'une oeuvre artistique. Comment concevoir la participation de l'art au renouvellement d'un propos sur la connaissance? Que nous apportent les sciences cognitives en la matière? Le numéro nous offre également un retour sur la correspondance de Marcelle Ferron avec sa famille; sur la surprenante controverse entourant la récente création de Dave St-Pierre, Suie; sur l'ultime dernière bande dessinée de Tardi sur les charniers de la Première Guerre mondiale, Le Dernier assaut. Un essai signé Maxime Decout aux éditions de Minuit amène Cassie Bérard à s'intéresser à la question brûlante de l'imitation en littérature. Quant au portfolio et à la couverture, ils sont consacrés à Nadia Myre, artiste de la nation Kitigan Zibi Anishinabeg, qui aborde dans son travail les questions à la fois personnelles et politiques de la mixité identitaire et de la violence coloniale à l'égard des Autochtones.
Peut-on choisir ses formes de vie ? Telle est la question au coeur du dossier du numéro estival de Spirale. Manières d'agir et d'être communes à des individus, les gestes banals que nous faisons quotidiennement sans réaliser que nous les faisons tous en même temps, voilà ce qu'interrogent les auteurs de ce dossier en se penchant sur des récits, essais et pièces de théâtre « [qui] questionnent notre capacité d'avoir prise sur les séries de gestes que nous posons tous les jours ». Pour la chronique « Afterpop », Antonio Dominguez Leiva parle de l'empire du même, de la sérialisation, de la répétition et autre itération, au cinéma et ailleurs. Le portfolio, signé par Sonia Pelletier, présente quant à lui l'artiste interdisciplinaire Helena Martin Franco dont le travail se décline à travers l'art action, la fabrication d'objet et l'art numérique. Son oeuvre Autel-corps immaculé II illustre la couverture du numéro.
Pour son numéro de mars-avril, la revue Relations propose un dossier sur la transition écologique qui se doit d'être aussi sociale, économique et surtout juste. Comment être justes en sauvant la planète ? C'est à cette question que réfléchissent collaborateurs et collaboratrices de ce numéro qui n'a pas peur des mots : révolution, décroissance, expropriation. Il nous faut dès aujourd'hui bousculer profondément nos modes de vie, rompre avec la logique marchande et nous assurer, à l'échelle globale et locale, que cette transition ne se fasse pas au détriment des plus vulnérables. Sortie du capitalisme fossile, justice climatique, regard autochtone, fiscalité et agriculture sont quelques-uns des aspects abordés. Aussi au sommaire : un débat sur la suprématie des séries télé sur le cinéma, un regard sur les innovations politiques et écologiques en Palestine, sur le projet de barrage hydroélectrique Hidroituango en Colombie et sur la « patente qui fonctionne » au gouvernement portugais.
La révolution technologique provoquée par la cybernétique et qui s'est incarnée par la suite dans l'informatique et la réseautique a radicalement transformé notre rapport à la communication et à l'information. En développant un appareillage technologique permettant comme jamais auparavant de diffuser et de recevoir des messages, l'humanité a délégué aux machines le soin de transporter, stocker et réguler l'information, pour le meilleur et pour le pire. Le cinquantième anniversaire de la mort de Norbert Wiener, fondateur de la cybernétique, est une bonne occasion de faire un tour d'horizon des effets de ces mutations technologiques telles qu'elles s'expriment dans quelques ouvrages parmi une abondante bibliographie parue au cours des dernières années, sans distinction de genre : on retrouvera dans ce dossier des analyses d'essais aussi bien que de romans, d'ouvrages scientifiques et de séries télévisuelles, en passant par le roman graphique.
La traduction, omniprésente, mais transparente : c'est le thème du dossier d'automne dirigé par Pier-Pascale Boulanger et René Lemieux. Elle est un chemin nécessaire pour accéder à tous les trésors des autres cultures; pourtant, l'on peine parfois à la percevoir comme un enjeu d'importance. Le dossier réunit des textes qui s'efforcent de déconstruire les idées reçues et d'offrir à la traduction une portée bien méritée. Le portfolio du numéro est consacré à Carl Trahan, artiste visuel qui s'intéresse justement aux questions de la langue et dont le travail s'est enrichi par de nombreuses années passées en Europe. Également au sommaire de Spirale, des comptes rendus d'expositions (Hakapik de Yoanis Menge), des essais signés de la plume d'André Habib et Alain Deneault, et une entrevue avec le légendaire dessinateur satiriste Plantu. L'impayable chronique Afterpop d'Antonio Dominguez Leiva s'attaque quant à elle au phénomène Pokemon Go, que dire de mieux?
L'art et le réel : une attraction/opposition millénaire que le numéro d'hiver de Spirale souhaite frotter à l'ère actuelle. Dans un dossier s'intitule « Lectures et pratiques contemporaines du réel », neuf auteurs interrogent cette problématique en se référant certes au roman, mais également au cinéma et, de manière plus surprenante, à la danse. Dans tous les cas, une conclusion : « [les artistes] ont affaire non à une réalité immédiatement accessible, mais à un réel toujours raté d'avance et toujours déjà sémiotisé par des mots, des représentations, des langages traversant l'espace social ». Quelques autres articles de la publication en rafale : Yves Citton, collaborateur de la revue parisienne Multitudes, nous propose le portrait d'une nouvelle polarité politique qu'il nomme les « médialistes »; Érik Bordeleau rencontre Brian Massumi, auteur d'un récent essai sur l'animalité; divers comptes rendus théâtre, arts visuels, roman, essai. Le portfolio du numéro, confrontant art et société, est consacré à Édith Brunette.
Qu'est-ce qu'un zombie ? Un « paradoxe ambulant » précédé d'une odeur nauséabonde, selon certains ; un « héros culturel de l'ère néobaroque », selon d'autres. Parfois comique, le plus souvent terrifiant, cet être putride possède un insatiable appétit pour la chair fraîche et, occasionnellement, le sexe.
Le monstre a envahi depuis longtemps la culture populaire : cinéma, bande dessinée, télévision, littérature et jeux vidéo regorgent de sa répugnante présence, qui commence aussi à infester le monde universitaire. À preuve, ce livre où des spécialistes de diverses disciplines se penchent sur le phénomène des morts-vivants, et posent des hypothèses pour mieux comprendre leur incroyable vitalité dans la psyché collective.
Bernard Perron est professeur titulaire au Département d'histoire de l'art et d'études cinématographiques de l'Université de Montréal.
Antonio Dominguez Leiva et Samuel Archibald sont tous deux professeurs au Département d'études littéraires de l'Université du Québec à Montréal.