Empires aztèques et chinois, cités grecques, royaumes africains et sociétés maghrébines, nombre de cultures réglementaient leur "marché", donc le protégeaient. La pleine liberté économique n'apparaît non sans heurt qu'au XIXe siècle au sein de l'Occident. Pourtant la science économique ne connaît pas le concept d'économie protégée ni de marché protégé : les économistes préfèrent recourir à un concept plus froid, le protectionnisme vu comme la "politique des États qui vise à limiter le volume des importations". Pour remédier à cette cécité historique, Ali Laïdi offre la première histoire non pas des idées économiques mais bien des faits. À travers l'étude des produits "protégés" au sein des civilisations aussi bien antiques que modernes - blé, riz, café, textile, métaux, pétrole, automobiles et jusqu'aux "services" les plus récents - l'auteur montre comment et pourquoi les hommes protègent leurs moyens de subsistance. C'est donc à une nouvelle lecture particulièrement féconde du protectionnisme, d'une criante actualité, que le lecteur est convié.
À partir des outils conceptuels légués par Michel Foucault, il s'agit d'établir l'existence de la guerre économique, un concept rejeté jusqu'à présent par le monde académique et médiatique. Mais depuis l'élection de Trump en 2016, - un président américain qui aime la guerre commerciale -, le Brexit et les impacts économiques de la crise du Covid, les élites politiques et économiques ne peuvent plus nier son existence. L'auteur s'appuie sur l'un des plus grand intellectuel français du XXe siècle, Michel Foucault, pour montrer la généalogie de la guerre économique dans l'Histoire, sa pertinence face au concept de pouvoir et sa prolongation dans le champ civil et économique en temps de paix. Mais il analyse également comment Michel Foucault n'a pas perçu qu'une société où tous les individus sont les entrepreneurs de leur propre vie entraîne une concurrence féroce qui ne se règle pas uniquement dans les prétoires mais aussi sur les champs de bataille économique.
Cette enquête de plusieurs années dans les coulisses des gouvernements, aux États-Unis, en Chine, au Japon, en Europe, dévoile les stratégies des États pour protéger leurs fleurons industriels. Ali Laïdi détaille les différents systèmes d'intelligence économique. Il montre que certains États ne se gênent pas pour mettre leurs organes de sécurité et de renseignement au service du chiffre d'affaires de leurs multinationales. La guerre économique fait rage et les États montent au front.
Des fonds souverains du Sud peuvent acheter l'ensemble du Cac 40. La Chine mène l'offensive en Afrique. La CIA décrète que la crise économique est la plus grande menace pour la sécurité des États-Unis. Nicolas Sarkozy crée un fonds d'investissement made in France. Des pays acquièrent ou louent des terres à l'étranger pour préserver leur sécurité alimentaire. Le commerce à l'heure de la mondialisation est un champ de bataille qui oblige les États à transformer leurs fonctionnaires en guerrier du business. Économistes, diplomates, policiers, espions et militaires...tous partagent le même objectif : défendre les intérêts économiques de leur pays.
Ali Laïdi, Docteur en science politique, a publié Le Jihad en Europe (2002), Les Secrets de la guerre économique (2004), Retour de flamme. Comment la mondialisation a accouché du terrorisme (2006). Il est chroniqueur à France 24, chargé du Journal de l'intelligence économique.
Le 11 septembre 2001, les attentats contre le World Trade Center et le Pentagone ont plongé le monde dans la stupeur, au point que beaucoup ont été tentés dy voir un changement de paradigme, le moment où est « mort le monde ancien ». Cinq ans plus tard, il est temps que nos yeux se décillent : ce monde partagé en deux blocs nest pas mort en 2001, nous dit Ali Laïdi, mais en 1989 avec la chute du Mur. Avec lémergence dune unique hyper-puissance, la guerre froide, de nature idéologique, sest muée en une guerre économique mondiale, une guerre menée par tous contre tous, quon appelle par euphémisme mondialisation.
Les effets de cet affrontement non-violent sont ravageurs pour des civilisations traditionnelles, dont les modes de vie et les valeurs plient sous la déferlante dimages, de sons et de mots venus dailleurs, porteurs de modernité et de promesses de mieux-être que rien ni personne ne peut satisfaire.
Chez les populations musulmanes, elle se heurte à une résistance plus farouche quailleurs. Linertie de leurs gouvernements et de leurs élites, voire la compromission de celles-ci avec lOccident, ne font que décupler la frustration et la rage de populations arabes qui ont limpression de ne plus maîtriser leur destin. La religion devient alors pour les plus exaltés dentre eux le seul refuge de leur identité menacée, le dernier sanctuaire de leur souveraineté personnelle et collective. Loin dêtre la source de leur haine, comme le veut un contresens couramment répandu en Occident, elle en est le vecteur, le mode dexpression.
Face au danger dune « guerre sans fin » où le terrorisme, larme des faibles, susciterait une réponse toujours plus belliqueuse des forts, Ali Laïdi plaide pour que lOccident prenne enfin conscience des dommages collatéraux occasionnés par la mondialisation, et pour que les élites arabes, de leur côté, fassent sauter les verrous qui enferment leurs peuples dans le cercle vicieux de léchec et du ressentiment.
La guerre économique est partout. Elle oppose les États entre eux, les entreprises entre elles, les États aux entreprises, les marchés aux États... Ses champs de bataille sont sans limites. Subventions déguisées, espionnage industriel, guerre de l'information, manipulation des monnaies, évasion fiscale... tous les coups sont permis. Les tensions montent et la tentation du protectionnisme revient en force.
Hier, la guerre économique était totalement ignorée. Ceux qui osaient en parler passaient, au pire, pour des adeptes de la théorie du complot, au mieux, pour des incultes en matière économique. Pas étonnant, car la guerre économique est rejetée aussi bien par les libéraux que par les penseurs de la gauche et de l'extrême gauche.
Or, comme le montre l'auteur, dans cette investigation généalogique, ses racines intellectuelles et philosophiques sont très anciennes. Elles puisent dans les textes des grands auteurs depuis Sun Tzu jusqu'à Raymond Aron en passant par Rousseau, Hobbes, etc., pour aboutir à sa forme contemporaine. La guerre économique n'est pas une idéologie. Elle n'est que le symptôme d'un nouveau malaise de la civilisation.
Ali Laïdi, docteur en science politique, chercheur à l'IRIS, est chroniqueur à France 24, chargé du journal de l'intelligence économique. Il a récemment publié Les États en guerre économique, Le Seuil, 2010, prix Turgot IES.