Il y a un siècle, Nietzsche et Dostoïevski ont répandu cette nouvelle : Dieu est mort. Il est né de ce vide des demi-dieux de substitution, lesquels sont en train de mourir à leur tour : c'est la nouvelle d'aujourd'hui... Les hommes vont d'orthodoxie en orthodoxie. Quelle sera la prochaine ? Ou bien saurons-nous, un jour, nous passer d'orthodoxie ?... Après la découverte de l'Évolution, les hommes ont cherché à s'inscrire dans une élite qui ferait tourner à son profit la lutte pour la vie. Darwin, à travers Hitler et Staline, est ainsi devenu criminel malgré lui... Marx a opposé une utopie socialiste à un capitalisme naissant. Il nous faut aujourd'hui comparer des expériences socialistes à un capitalisme évolué... Les réductionnistes nous invitent à révérer un déterminisme universel. Nous ne l'éprouvons pas en nous et ne pouvons le vérifier dans le temps de notre vie et les événements de notre expérience. Nous nous intéressons à des choix... Qui était finalement Freud ? Un savant, un magicien, un explorateur de terres inconnues, un introducteur de la pornographie, un psychologue voué à être récupéré par les publicitaires ?... On voit aujourd'hui monter une vaste curiosité psychiatrique qui se satisfait mal de l'orthodoxie freudienne... Imaginons pour finir une réunion intime ou Marx et Freud confronteraient leurs existences publiques et privées. Chacun se saisirait de la vie de l'autre pour la faire entrer, toute pantelante, dans son propre système...
L'homme-journal : deux mots, et un trait d'union - qui est l'essentiel. Je lis une nouvelle, j'apprends un changement du monde, je suis entraîné par ce changement. Mais aussi, je viens de loin et porte vers l'avenir un ancien patrimoine. Le nouveau ne devient tout à fait « vrai » que quand il s'y est incorporé (en le modifiant). Mon titre annonce un mouvement de va-et-vient entre l'actualité et une culture. En soumettant mes réactions à des lecteurs, je les invite à entrer dans le jeu, à me confirmer ou à me désavouer, en somme, à se connaître. J'ai dû souvent, au moment de dédicacer un livre à un ménage d'amis, choisir entre eux à regret. L'ouvrage s'adressait à elle ou à lui. Cette fois, il y a des pages pour chacun. Le ton change, les sensations succèdent aux idées. On peut commencer où l'on voudra : l'ordre est seulement chronologique. Mais sans que je l'aie voulu, des thèmes reviennent, des notes s'épanouissent en essais. Ces reprises épousent mieux qu'une composition plus rigoureuse le mouvement réel d'une pensée. Sur quelques sujets « tabou », je me suis exprimé - comme d'habitude - en pleine indépendance, sans souci des groupes de pression. Cette indépendance pourrait être un peu grisante. On trouvera, j'espère, que j'en ai usé avec beaucoup de mesure.
Alfred Fabre-Luce est mort à Paris dans la nuit du 16 au 17 mai 1983. Il venait d'avoir quatre-vingt quatre ans. Il avait remis à son éditeur quelques semaines plus tôt un livre intitulé Double Aventure. Il en avait corrigé les épreuves et envoyé les bonnes feuilles à quelques amis. Ce livre se termine par ces mots : « J'espère toujours que ma mort sera une note juste, à la fin d'une partition achevée. » Le 1er janvier 1982, il commençait son journal par la phrase suivante : « C'est peut-être ma dernière année qui commence. J'espère mourir avant de décliner. Je me suis fixé cet horizon. » On peut dire qu'Alfred Fabre-Luce aura vécu ses derniers mois dans la perspective d'une mort prochaine. Cette Double Aventure est en effet un double voyage. Un voyage à l'extrémité du monde, puisque l'auteur nous décrit un séjour en Extrême-Orient. Et un voyage à l'extrémité de la vie, puisqu'en y partant, il pensait ne pas en revenir. L'imminence de la mort n'assombrit pas le coeur de ce stoïque souriant, n'obscurcit pas son esprit, ne fait pas trembler sa main. Au contraire. Parlant des livres qu'il lit, des rencontres qu'il fait, des films qu'il voit, évoquant des souvenirs anciens, ou décrivant le temps présent, l'auteur n'oublie jamais que c'est toujours pour la dernière fois. Cette dernière fois donne aux impressions qu'il ressent un contour encore plus brillant, comme si toute chose prenait dans cette lumière une intensité, un éclat, un prix exceptionnels. « Je me demande parfois, écrit Jean Guitton, si les grandes oeuvres ne sont pas, au fond, des testaments. »
Alfred Fabre-Luce écrit un Journal intime destiné à paraître après sa mort et qui, espère-t-il, "intéressera les lecteurs du XXIe siècle". Il en publie aujourd'hui un extrait, qui concerne le premier semestre de 1981. On y voit l'auteur déjeunant en février à l'Élysée, rendant visite, fin mai, à l'ex-président Giscard, assistant entre-temps à la proclamation du résultat de l'élection présidentielle dans les salons d'une radio périphérique. (Une extraordinaire scène de comédie humaine). Mais il s'évade parfois dans un "monde enchanté", avec une amie à qui il parle de miroirs, du Japon et de l'An Mil ou du poète Joë Bousquet. Il est à Paris, dans son bureau, réfléchissant sur l'avenir des ordinateurs, mais aussi, la même semaine, à Vienne, assistant à un office de nuit dans la cathédrale... Alfred Fabre-Luce admire la multiplicité. Antoine et Cléopâtre, qui se targuaient de mener "une vie inimitable", l'intéressent, non par leur pouvoir et leur faste, mais parce qu'ils savaient s'en échapper en se déguisant pour mener d'autres vies. C'est un jeu dangereux, où l'on risque sa personnalité. "Le chef-d'oeuvre est de laisser se développer en soi des tensions sans cesser de les contrôler." Ce Journal 1981 nous montre un homme fidèle à cette directive, partagé entre l'actuel et l'inactuel, l'action et la contemplation. Des lecteurs très divers pourront y trouver leur pâture.
« "Journal secret" ? Mais vous le publiez ! » J'ai éliminé quelques pages de ce Journal pour des raisons de discrétion élémentaire. Mais tout l'essentiel est déjà là. Qu'on n'attende pas de moi une édition posthume contenant des exécutions impitoyables, des révélations scandaleuses ou des aveux impudiques. Une incorrigible "bonne éducation" d'autrefois m'interdit à jamais certains comportements. Ce Journal a donc dès maintenant sa valeur, dont vous pouvez juger. « Mais alors, à plus forte raison, pourquoi "Journal secret" ? » Le lecteur devinera aisément que quelques pages de mon texte, si elles étaient proposées à certaines grandes maisons de presse ou d'édition, y rencontreraient des objections. Je ne m'en suis pas préoccupé. "Secret" signifie "écrit en toute liberté". On trouvera à la fin du volume, sous le titre "Ce que j'ai aimé", une anthologie de pages d'autres écrivains. Ce choix est, lui aussi, une forme d'autobiographie.
Deux crimes d'Alger : l'assassinat de l'amiral Darlan le 24 décembre 1942 et celui du commandant Rodier le 16 janvier 1957. Ces deux affaires n'ont, jusqu'ici, jamais été examinées ensemble. Il y a pourtant entre elles une certaine parenté politique, et, dans les deux cas, le processus d'élucidation a été le même : les inspirateurs se sont révélés à travers leurs efforts pour empêcher la découverte de la vérité. L'auteur éclaire ces zones obscures en approfondissant l'examen des dossiers et des procédures. Son livre, passionnant comme un roman policier, nous aide à pénétrer la psychologie de quelques grands acteurs de l'histoire contemporaine, et nous permet ainsi de mieux comprendre certains grands clivages politiques de notre temps.
On attendait d'Alfred Fabre-Luce, spécialiste de l'histoire du gaullisme, un ouvrage définitif sur le Général. Il le publie à l'occasion du premier anniversaire de sa mort. L'auteur consacre le premier chapitre de son livre au deuil de la France, phénomène sociologique dont il tire déjà quelques indications profondes. Il étudie ensuite la personnalité du Général, ses grandes options, ses « ancêtres », en le situant à la fois dans l'« histoire lente » des millénaires et dans l'« histoire totale » que le développement des sciences humaines permet aujourd'hui d'esquisser. Pour finir, il formule son propre jugement et essaie de prévoir ce que sera « l'avenir du passé ». Alfred Fabre-Luce montre, dans l'information, une volonté de rigueur qui crée chez le lecteur la confiance et permet de s'abandonner plus librement à l'ardeur du style. On trouvera, dans cet essai entraînant, beaucoup de vues originales et la révélation de faits nouveaux.
"J'ose croire qu'après la publication du présent ouvrage, l'Histoire contemporaine ne sera plus jamais tout à fait pareille." Par cette phrase de sa préface, Alfred Fabre-Luce montre l'importance qu'il attache à ce livre. Sur tel ou tel des points abordés, des divergences d'interprétation restent possibles et légitimes. Mais l'auteur s'est surtout proposé d'établir certains faits jusqu'ici dissimulés. En 1914, les meurtriers de Sarajevo avaient été payés par l'attaché militaire russe. Au dernier moment, le Tsar Nicolas II, personnellement incliné vers la paix, est entré en guerre pour ne pas décevoir Raymond Poincaré, Président de la République Française. Dès 1935, Staline cherchait à conclure avec Hitler le pacte qu'il a finalement signé en 1939. Pendant les années où l'on aurait pu renverser Hitler sans guerre, Winston Churchill a été neutraliste. Au lendemain de la Deuxième Guerre mondiale, l'U.R.S.S. a failli avoir le monopole de la bombe H. Telles sont quelques-unes des révélations contenues dans ce livre, qui fait tomber beaucoup d'autres volumes "des rayons des bibliothèques vers la corbeille à papier qu'ils méritent." Pourquoi avons-nous été si longuement induits en erreur ? Paresse des historiens ? Censure discrète ? Action de certains groupes de pression ? Alfred Fabre-Luce n'a pas esquivé ces questions et l'histoire même de sa recherche l'aide à y répondre.
Cet ouvrage est une réédition numérique d'un livre paru au XXe siècle, désormais indisponible dans son format d'origine.
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La crise que nous traversons nous invite à une prise de conscience libératrice. Alfred Fabre-Luce y contribue par un livre complet, clair, sans jargon, qui n'interpelle pas seulement les experts, mais s'adresse à tous les citoyens. Un thème traverse, comme un fil rouge, les diverses parties de l'ouvrage : l'inflation. Après tant de livres où le phénomène n'était envisagé que sous un angle strictement monétaire ou financier, voici enfin un essai qui va jusqu'aux racines profondes : blocages psychologiques, anticipations de l'avenir, rapports de pouvoirs, etc. On débouche ainsi sur une nouvelle dialectique où les contradictions traditionnelles du marxisme se trouvent dépassées. Une certaine complicité des classes, coexistant avec leur lutte, propage l'inflation au détriment final de tous les intéressés. Une action commune pourrait enrayer le mal. Alfred Fabre-Luce considère aussi la dégradation de la monnaie dans ses rapports avec le jeu, le crime, la permissivité. Toute une époque s'éclaire ainsi, d'autant mieux que l'auteur illustre son propos de choses vues, observées dans les pays fiévreux (Grande-Bretagne, Italie) où il a porté son thermomètre. En le lisant, on s'instruit, on s'amuse parfois, on dépasse les conformismes, on approfondit sa réflexion. On en sort enrichi, mieux armé pour les luttes quotidiennes.
"Dans ce livre, j'ai voulu décrire la "belle saison" de 1974. L'évolution politique avec son Mai de surprise, son Juillet de charme, son Septembre de réflexion, a reflété l'évolution de la nature. J'espère avoir traduit fidèlement cette impression. Certes, j'ai écrit ce récit selon mon optique particulière, mes opinions, mes sympathies ou mes antipathies, et d'autres, plus tard, s'exprimeront différemment. Mon ouvrage, dont la matière première était dans les journaux et les conversations de l'époque, deviendra matière première pour de nouvelles écoles d'historiens, qui seront elles-mêmes remplacées par d'autres écoles, essayant à leur tour d'emprisonner une réalité fuyante."L'historien, écrit Pierre Nora, pose au passé, en fonction de son propre présent, des questions dont les contemporains ne pouvaient avoir la moindre idée." Nous sommes peut-être aujourd'hui à la veille de grands événements qui feront apparaître nos comportements comme ceux des pygmées d'une préhistoire. Nous "daterons" et l'on nous "réfutera". Mais il y aura toujours des vicieux pour se demander comment étaient les choses pour ceux qui les ont vécues. Alors peut-être on réimprimera cet ouvrage et quelques témoins survivants diront, en le lisant : "Oui, ce fut ainsi." A.F.-L.
Éclipsée par le téléphone, la correspondance tend à disparaître. Or, elle apportait aux relations humaines une dimension particulière irremplaçable. Un hasard a incité Alfred Fabre-Luce à renouer avec cette tradition. En janvier 1973, raconte-t-il, un texte publié me valut une lettre remarquable d'une femme que je n'avais jamais rencontrée, mais que je connaissais et admirais pour avoir lu ses livres ou articles, et pour l'avoir écoutée sur les ondes... Nous n'avions pas les mêmes amis. J'aurais pu continuer à m'intéresser à elle sans jamais la rencontrer. Mais, puisqu'elle m'avait écrit, je ne la laisserais pas « repartir ». Il ajoute : Sa lettre et ma réponse furent suivies d'une visite. Nos relations continuèrent ensuite sur les deux plans. Il nous est même arrivé de venir à un rendez-vous tenant chacun à la main une lettre qui contenait les derniers échos de la conversation précédente... J'adressais à E., dans des instants de loisir et de solitude, tout le « surplus » de ma vie - le plus important parfois, en tout cas le plus spontané. Cependant en 1974-1975, des lettres à C. succèdent aux lettres à E. Le scripteur change de partenaire, dans l'espoir fou de changer d'identité. Dans une correspondance, on cherche à plaire (ou à déplaire), on s'adapte à une curiosité, on reçoit des réponses qui vous font rebondir, on polémique parfois. On ne va pas toujours où l'on voulait aller. Une correspondance, c'est une aventure. Les lecteurs du livre y participeront.
Cet ouvrage est une réédition numérique d'un livre paru au XXe siècle, désormais indisponible dans son format d'origine.