Depuis quelques années, Alain Mabanckou a entrepris d'édifier une oeuvre poétique que jalonnent déjà trois recueils. A chacun de ces livres semble correspondre une étape dans l'itinéraire grave et fécond d'un poète en qui je me plais de célébrer un profond sens de l'humain ; que ne démentent ni la simplicité ni la modestie d'une personnalité attachante, qui pourrait bien devenir l'une des voix majeures de la poésie africaine contemporaine.
On retrouve avec force, dans ce cinquième recueil, cet univers poétique cher à l'écrivain congolais : la quête incessante d'un territoire, le " pays à venir ", l'emprise du déracinement et le bouleversement intérieur d'un homme confronté à l'errance perpétuelle
Voici ce qu'on pourrait appeler un hommage à la Mère, une oraison funèbre d'un fils à "une femme humble qui travaillait la terre saison après saison" et qui s'est éteinte, cernée par le pire des maux : la solitude... L'auteur, qui ne s'est pas rendu aux funérailles, a surmonté l'épreuve pour nous retracer dans ce récit-poème saisissant toute la légende de cette mort, depuis ses présages jusqu'à ce vendredi fatal où "le ciel a pleuré à grosses larmes". J'irai planter l'arbre de ma douleur sur les terres humides du silence près de sa tombe J'habiterai les buissons de lantanas Je tournerai le dos au soleil au jour pour n'entendre que le timbre de sa voix au milieu de la nuit...