De la famille à la politique, la crise de l'autorité touche à peu près tous les responsables dans toutes les institutions. La perte de légitimité du politique et la crise des Gilets jaunes offrent une illustration frappante des raisonnements développés dans cet ouvrage. L'enjeu n'est pas d'apprendre à vivre sans autorité, mais d'engendrer des formes d'autorité plus respectueuses des valeurs de notre temps.
Pour l'essentiel, la crise de l'autorité est une bonne nouvelle, son érosion engage toute notre modernité et rien ne saurait justifier de faire machine arrière. Il reste que ce déclin affecte en profondeur nos formes de vie et nos institutions. Partout, le besoin d'autorité se fait sentir, mais une autorité au service de la démocratie, du débat public, des droits et des devoirs, de la justice et l'équité, de la transmission des valeurs fondamentales, de la défense du commun contre l'emprise des intérêts privés, de l'adaptation des modes de vie à l'urgence écologique. Tout retour en arrière est proscrit : l'autorité est donc à réinventer.
Les formes d'autorité varient à l'infini selon les sociétés et les époques.
Qu'est-ce donc que l'autorité ? demandait Hannah Arendt voici un demi-siècle. Alain Eraly avance sur cette question un point de vue renouvelé.
Si l'on réduit l'autorité à une relation d'obéissance, on perd de vue sa fonction première : celle d'inscrire la vie sociale dans l'imaginaire d'une communauté et ainsi de construire un « nous », une identité commune. On a coutume d'associer la crise de l'autorité au grand mouvement d'émancipation des individus propre à notre modernité, or, l'auteur soutient qu'en réalité, cette crise renvoie d'abord à une crise du collectif.
La science économique aime à se présenter comme la plus rigoureuse des sciences humaines. La clarté des prémisses, l'usage intensif des mathématiques, la rigueur déductive des raisonnements, l'ampleur des modélisations semblent la rapprocher des sciences de la nature. Pourtant, certains de ses axiomes de base sont proprement invraisemblables et excluent toute espèce de validation empirique. Comment expliquer, dès lors, sa légitimité et sa diffusion planétaire ? Comment expliquer la force probante du récit qu'elle nous raconte et l'omniprésence du raisonnement économique dans la prise de décision politique ?
Le présent ouvrage explore une piste d'interprétation trop souvent négligée : celle de la performativité. Et si l'économie ne cherchait pas tant à se conformer aux réalités du monde qu'à conformer ces réalités à ses propres propositions ? Par quels processus les théories que nous formulons sur le comportement des êtres humains peuvent-elles engendrer des effets conformes à nos théories ? Comment passe-t-on, quelquefois sans même s'en apercevoir, de la description à la prescription ?
Membre de l'Académie royale de Belgique, Alain Eraly est ingénieur en gestion, docteur en sciences sociales et docteur en économie appliquée. Il est actuellement professeur à l'Université libre de Bruxelles où il enseigne la sociologie et la gestion.
Antoine, garçon de restaurant au Majestic, à Bruxelles, décide un jour de quitter son emploi, son uniforme, ses collègues, trop médiocres. De partir avec une simple valise à la conquête de l'Amérique. À New York, il saura sûrement trouver une place. Il connaîtra l'aventure, fera fortune. N'est-ce pas la terre promise, la patrie des audacieux ? M. Merlineau, professeur, n'arrive pas vraiment à être comme les autres, à se couler dans le moule commun. Une distance, invisible, comme une vitre impalpable, s'interpose entre l'existence et lui. Il a du mal avec le monde en général, avec les femmes en particulier. Jusqu'au jour où il découvre le Principe d'Insignifiance Cosmique : la clé de la sagesse, probablement. Même s'il n'existe qu'une manière - une voie sans retour - d'en vérifier la justesse. Fernand Copeau, lui, est un employé de banque modèle, ponctuel, zélé. Maniaque, peut-être. Il est si petit qu'on l'appelle Microscopeau. Il est gauche avec Gisèle, ridicule aux yeux de tous. Pourtant on l'apprécie en haut lieu, il deviendra chef de service. À quel prix ? Trois destins ordinaires, trois contes cruels sur l'art délicat de manquer sa vie avant même d'avoir perdu l'espoir.
Le langage n'est pas un code mais un ensemble de comportements sonores inscrits dans des formes de vie sociale. La parole ne traduit pas des contenus psychiques, elle construit des objets sociaux et nos pensées les plus intimes, les plus secrètes, n'en restent pas moins des intentions de parole à l'adresse de partenaires potentiels. Une théorie de l'esprit renvoie donc nécessairement à une théorie sociale de la communication. Ainsi cet ouvrage apparaît-il comme une sorte de manifeste anti-cognitiviste.
En effet, à la différence de la domination et de la coercition, l'autorité est la parole du collectif, elle est le Tiers qui conditionne tout ensemble le langage et le rapport à autrui. Comment faire autorité dans la famille, à l'école, au travail ou en politique lorsque toute position d'exception se trouve par avance récusée, contestée, sinon méprisée ? Qu'est-ce qu'une société dans laquelle plus personne n'assume la position d'exception et les normes de la vie ensemble ? Quelles en sont les conséquences sur la construction psychique de l'autonomie et de la responsabilité ?
Dans un dialogue constructif, Jean-Pierre Lebrun et Alain Eraly, appartenant à des disciplines différentes, croisent leurs approches et s'essaient à concevoir de nouvelles formes d'autorité au service du commun, plus respectueuses de nos valeurs démocratiques.