Depuis les débuts de l'époque industrielle, il y a deux cents ans, les activités humaines ont profondément modifié les cycles de la nature, d'où le terme d'Anthropocène pour qualifier la période contemporaine. Ère d'accélération, l'Anthropocène brille de ses derniers feux. Le XXIe siècle sera celui de la « descente énergétique ». Face à cette rupture profonde dans l'histoire des temps, adopter un autre modèle que le productivisme s'impose d'urgence. Il faut penser cette décroissance, en comprendre les ressorts économiques, en imaginer la gouvernance politique. Une nouvelle histoire politique peut s'écrire, où les perspectives ouvertes ne sont pas celles de la crise mais de l'inventivité.
Agnès Sinaï est cofondatrice et présidente de l'Institut Momentum sur l'Anthropocène et ses issues, réseau de réflexion sur les sociétés de l'après-croissance. Elle est également maître de conférences à Sciences Po et journaliste environnementale.
Depuis les débuts de l'époque industrielle, il y a deux cents ans, les activités humaines ont profondément modifié les cycles de la nature, d'où le terme d'Anthropocène pour qualifier la période contemporaine.
Alors que les stocks de combustible s'épuisent, la dissipation exubérante d'énergie liée aux économies fondées sur la croissance touche à sa fin. Quelles en seront les répercussions politiques, économiques et sociales sur un système fondé sur une soif sans limites de ressources naturelles ?
Ère d'accélération, l'Anthropocène brille de ses derniers feux. Le XXIe siècle sera celui de la « descente énergétique ». Face à cette rupture profonde dans l'histoire des temps, adopter un autre modèle que le productivisme s'impose d'urgence.
La croissance et le productivisme, véritables socles de nos sociétés industrielles, nous entraînent dans une consommation effrénée d'espace et de ressources et mettent la planète sur une orbite périlleuse.
Les théories économiques, qui ont alimenté ce déni de la finitude des ressources, dérivent aujourd'hui vers de nouveaux mirages tels que la monétarisation des écosystèmes ou la croissance verte. Il importe de les dissiper et d'inventer une économie bio physique en phase avec les cycles de la nature, ralentie, locale et sobre, de réhabiliter le geste humain en faisant appel aux basses technologies.
À la lumière de ce nouveau paradigme, la décroissance des pays riches apparaît non plus comme une fatalité ou une contrainte mais comme une nécessité éthique et physique et une voie de justice sociale et d'égalité.
La décroissance peut-elle devenir un modèle politique alternatif et réaliste ?
Face au risque d'effondrement qui pèse sur nos sociétés industrielles, cet ouvrage défend de nouvelles voies fondées sur la tempérance et le ralentissement : instauration d'un revenu de transition écologique, adossement de la création monétaire aux limites de la planète, rationnement équitable des énergies fossiles, développement de la permaculture, partage du travail, etc. Il présente certaines expérimentations, telle la biorégion de Cascadia, en Californie du Nord.
Bien gouverner la décroissance plutôt que la subir : une nouvelle histoire politique peut s'écrire, où les perspectives ouvertes ne sont pas celles de la crise mais de l'inventivité.
Il n'est plus possible de penser que la situation actuelle de la planète et celle des humains qui l'habitent, décrite partout comme inquiétante, n'est qu'une péripétie banale de l'histoire. L'humanité intervient désormais de façon majeure sur sa nature propre, sur son évolution et sur l'ensemble de la biosphère. Cette situation interroge la recherche scientifique et technique, à la fois élément de diagnostic, de solutions et de problèmes. Pour autant, les acteurs de la technoscience n'ont aucune légitimité à définir seuls les programmes. Pourquoi autant d'investissements pour les plantes transgéniques et aussi peu sur les méthodes culturales écologiques ? Pourquoi les thérapies géniques et pas plus de recherches sur les maladies contagieuses des pays du Sud, sur la santé environnementale et l'impact des nouvelles molécules chimiques, ou sur les résistances bactériennes ? Pourquoi de nouvelles machines nucléaires et pas plus de recherches sur la relocalisation de l'économie ? Ce que sera le monde dépend de ce qui se passe aujourd'hui, mais aussi demain, dans les laboratoires. C'est pourquoi les orientations scientifiques comme les développements technologiques ne peuvent plus être laissés entre les mains de quelques spécialistes, ni pilotés par les seuls désirs de profit ou de puissance. L'heure est à une mobilisation des consciences et à l'assemblage des savoirs disséminés dans la société, pour un dialogue renouvelé entre chercheurs scientifiques et citoyens chercheurs d'avenir.