Voici le jardin du philosophe. On y cueillera des fruits mûris sur le tronc de la sagesse commune et dorés à cette autre lumière des idées. Ils en reprennent leur saveur d'origine, qui est le goût de l'existence. Saveur oubliée en nos pensées ; car on voudrait s'assurer que l'existence est bonne et on ne le peut ; on en déçoit donc l'espérance par précaution, prononçant qu'elle est mauvaise. De là s'étend l'empire de l'imagination déréglée, en quoi Alain, se confiant à la sagesse du corps, restaure la souveraineté claire de l'homme heureux et qui n'attend pas pour l'être, ici et non ailleurs, que l'événement lui donne raison, acteur enfin et non spectateur de soi-même.
Il est le plus célèbre des profs de philo, il eut comme élèves Simone Weil, Raymond Aron ou encore Julien Gracq, qui voyait en lui un "admirable éveilleur". Au XXIe siècle encore ses "Propos sur le bonheur" sont étudiés dans la plupart des cours de philosophie en terminale. La raison ? Alain le moraliste était concis, limpide et concret, et il parvenait à faire aimer les penseurs et la pensée. Aujourd'hui, on parlerait presque de philosophie pratique, tant ses propos sont ancrés dans le réel de nos émotions et de la vie quotidienne.
Cette édition est augmentée de sept nouveaux propos sur l'apparence et la vérité, la rhétorique et l'éloquence, l'intelligence au travail et l'art d'enseigner, et plus généralement sur les moyens de savoir ce qu'on pense.
' Au temps de Socrate, il y avait à Delphes, comme chacun sait, une espèce de Sibylle inspirée par Apollon, et qui vendait des conseils sur toute chose. Seulement le dieu, plus honnête que notre marchand de fluide, avait écrit son secret au fronton du temple. Et lorsqu'un homme venait interroger le destin, afin de savoir ce que les choses feraient pour ou contre lui, il pouvait lire, avant d'entrer, ce profond oracle, bon pour tous : "Connais-toi." '
' Connais-toi ', ' Des passions ', ' De l'imagination ', ' Ne pas désespérer ', ' Du devoir d'être heureux '... Trente superbes fragments de l'une des oeuvres phares d'Alain : Propos sur le bonheur.
Agir, s'émouvoir et progresser : en trois chapitres choisis parmi ses Éléments de philosophie, le plus fluide des penseurs du siècle dernier éclaire l'existence humaine à la lumière de ses phrases. Il a conscience que la vie est un jeu ; mais il prend au sérieux l'expérience des passions, qu'il détaille avec humanité. Il veut être un appui pour acquérir la vertu
« Je me suis proposé de faire en sorte qu'il ne manque rien à cet ouvrage de ce qui peut donner à un étudiant le goût de la philosophie. »
Puissant éveilleur d'esprits, grand sophiste et admirable professeur, Alain a marqué profondément son époque et ses disciples et a laissé, à travers ses écrits, un enseignement durable où s'expriment son hostilité au pouvoir et sa méfiance à l'égard des systèmes.
Ce volume dont les textes sont consacrés successivement à Platon, Aristote, Descartes, Hegel et Comte, forme un ensemble de remarquables commentaires et peut être considéré comme une vivante introduction à la philosophie.
Des principes fondamentaux de la connaissance aux questions de morale, de la philosophie des sciences à la métaphysique, Alain donne une vue d'ensemble de ce qu'est la philosophie.
Tous les élèves d'Alain ont gardé un souvenir ineffaçable de son enseignement. Dans les Éléments de philosophie, on retrouve le grand professeur qui a marqué tous ses disciples : ses cours constituent l'introduction à la fois la plus claire et la plus profonde aux problèmes essentiels de la philosophie.
"Le thème de la nature est la toile de fond de toutes mes pensées. Autant que je pouvais deviner la situation de ceux qui pensent subjectivement, je les voyais enfermés dans des rêves et séparés du monde et développant une existence sans fenêtres, à peu près comme les monades de Leibniz, existence où il y avait pourtant une sorte de monde au-dehors. Et je ne crois pas avoir jamais fait autre chose, quand je décrivais, que nettoyer ce monde de toute la buée humaine, et le voir comme il serait sans nous."
"Si la doctrine de la sagesse cherchait des armes contre les maux véritables, elle promettrait trop. Si elle peut éloigner de nous quelques-uns des maux imaginaires, c'est déjà beaucoup."
Une introduction élémentaire à la philosophie pour mieux comprendre les passions et vertus auxquelles chaque être humain est confronté.
"Mes pensées sont déjà assez hardies ; je supplie qu'on n'y ajoute rien. J'ai donné assez de preuves d'obéissance stricte dans mes fonctions de brigadier d'artillerie. Si quelques-uns ont de la peine à accorder cette déclaration avec ce qu'ils vont lire, cela prouve qu'ils ont besoin de me lire plus d'une fois."
Dans une centaine de propos, Alain juge la guerre et n'en oublie rien : l'histoire, la révolte, la situation du soldat, paysan ou prolétaire, la violence, la passion meurtrière. Cette analyse impitoyable de la guerre est une réflexion de sage sur la paix.
Texte intégral révisé suivi d'une biographie d'Alain (Émile-Auguste Chartier). "Sous le titre "Propos sur des philosophes", Michel Alexandre avait médité de réunir, d'après le voeu et avec l'assentiment d'Alain, un certain nombre de "Propos" contenant chacun une référence ou une allusion à quelque point de doctrine d'un philosophe explicitement désigné. Après la mort d'Alain, et avant la sienne, Michel Alexandre s'est occupé de recueillir des "Propos", de date différente, répondant à son dessein, et il avait tenté à plusieurs reprises de les ordonner de façon cohérente. Il avait reconnu la difficulté inhérente à plusieurs espèces de groupement. Ni l'ordre chronologique des philosophies, ni un ordre quelconque de rubriques ne lui avaient paru satisfaisants. C'est qu'en effet, fidèle à sa méthode de commentaire et de développement de la pensée des grands auteurs, Alain ne s'astreint jamais au cadre originaire du thème qu'il emprunte. Non content de diversifier ce thème il le déborde toujours. C'est sa façon à lui de témoigner de l'actualité de la pensée qu'il admire. Il l'éclaire en éclairant par elle ce qu'elle ne contenait ou ne visait pas au départ. C'est pourquoi il a semblé aux anciens élèves d'Alain qui ont repris le travail commencé par Michel Alexandre que les "Propos" rassemblés par lui pouvaient, à quelques uns près, se prêter à former un recueil sous le titre initialement projeté. Il a paru aussi, après de longues réflexions et tentatives, que c'est dans l'intention de chaque "Propos", plutôt que dans la référence à tel ou tel philosophe, qu'il fallait chercher la raison d'une succession possible. C'est donc finalement la constance des thèmes de la pensée d'Alain que l'on a cherché à mettre en lumière. Même si l'on sait qu'Alain n'avait pas de système, on n'est pas tenu de se plier à l'idée, trop aisément répandue, que les "Propos" sont uniquement des saisies discontinues d'occasions ou de prétextes. L'ordre ici adopté est sans doute artificiel, puisqu'il ne reproduit pas l'ordre des doctrines, ni l'ordre de publication des "Propos". On pense pourtant qu'il n'est pas entièrement arbitraire. Il convient d'ajouter qu'au cours des années où le projet est resté en attente, divers Recueils de "Propos" ont été publiés. Les fidèles d'Alain ne rencontreront donc ici qu'un petit nombre de "Propos" inédits. Mais ce leur sera une occasion nouvelle, en face de "Propos" qu'on croit connaître, de mesurer la richesse de ces textes qui laissent toujours tant à découvrir, même au lecteur attentif - et qui multiplient leurs significations selon qu'ils sont groupés et présentés dans la lumière d'une idée ou d'une autre. Quant à ceux qui feront connaissance avec Alain, par le présent recueil, ils se trouveront d'emblée au plus haut de sa pensée." - Georges Canguilhem.
L'Éthique de Spinoza a toujours fasciné les esprits parce qu'elle se présente comme un parfait édifice rationnel dont chaque proposition est un élément indispensable à la totalité du système, dont chaque argument prétend à la validité et à l'objectivité d'un théorème de géométrie. Alain ne pouvait, ayant fait cours sur Descartes, éviter la pérégrination au sein de l'architecture conceptuelle de Spinoza. Cette réflexion se prolonge au-delà du livre qu'il lui a expressément consacré : en effet, dans maintes autres occasions, dans certains de ses Propos notamment (qu'on trouvera dans ce volume), Alain évoque Spinoza ; et lorsqu'il voudra rendre hommage à Jules Lagneau, c'est encore Spinoza qui sera présent dans la discussion : c'est la raison pour laquelle ce philosophe est la figure retenue pour assurer le lien thématique du recueil, ainsi considérablement augmenté.
Texte intégral révisé suivi d'une biographie d'Alain (Émile-Auguste Chartier). "J'ai pris pour moi cette puissante vue de Hegel, que la philosophie n'est que la réflexion sur la religion, définition qui m'a paru excellente. Cherchez des exemples, il n'en manque pas. Même la politique, sujet dévorant, la politique ne prend l'ampleur que l'on nomme philosophique que par le conflit permanent de politique et religion. L'esthétique s'appuie sur les temples et sur les formes divines. La morale se confond presque avec la religion. La logique n'est réellement qu'un examen des raisonnements de métaphysique, surtout des preuves de Dieu. Bref la religion nous porte à la philosophie. Seule elle offre à la réflexion des objets non arbitraires, ce qui réduit la philosophie à une Critique. C'est ce que j'admets sans restriction. Que ceux qui chercheraient ici quelques derniers mots sur la religion et l'irréligion se détournent vers d'autres ouvrages où nous pensons que la religion ne sera pas considérée aussi amicalement, aussi fraternellement que dans ces Propos-ci. Quel est le but ? Il s'agit de vivre en bon voisin avec la religion, qui, dans le fait, vient toucher nos moindres pensées. Il s'agit encore de se délivrer pour toujours de ce qu'on a appelé d'un vilain mot, anticléricalisme, et qui en effet n'est à craindre que s'il serre le noeud de l'esclave. Il faut penser à la religion librement et sans humeur. C'est ce qu'on trouvera ici proposé et c'est ce qui étonnera les critiques, qui veulent que l'on prenne parti pour ou contre les bûchers. Sur ce sujet-là, justement, on aura beaucoup gagné si, par divers chemins, on s'approche un peu du fanatisme tel qu'il est, et tel qu'il est par la vertu de l'homme. Pareillement retrouver le sentiment religieux dans les populations les plus naïves, en faire en quelque sorte, l'histoire naturelle ou la physiologie, ce sera s'y reconnaître, ou mieux, reconnaître en soi le fétichiste, le métaphysicien, le superstitieux. Tel est le principe de la véritable tolérance, qui exclut entièrement le mépris. [...] Par ces exercices le lecteur fera l'expérience si importante de ceci, que les grandes oeuvres de l'esprit ne peuvent être dites ni vraies ni fausses, ce qui est surtout sensible de la religion qui est une chose humaine aussi naturelle que le Parthénon ou la Vénus de Milo. La réconciliation est en vue par ces remarques, ainsi qu'un nouvel âge où l'on ne réfutera personne, ce qui ouvrira à tous le chemin de penser." - Alain (Extrait de la préface).
Texte intégral révisé suivi d'une biographie d'Alain (Émile-Auguste Chartier). À l'origine composé en braille à l'intention des aveugles, ce petit livre d'histoire de la philosophie rassemble vingt-deux études sous le sous-titre général de "Portraits et doctrines de philosophes anciens et modernes". Vingt-deux "abrégés" de longueurs diverses consacrés à des maîtres penseurs et à des mouvements philosophiques qui influencèrent l'oeuvre d'Alain ou firent l'objet de ses cours: Thalès, Pythagore, Héraclite, Empédocle, Anaxagore, Socrate, Platon, Aristote, Diogène, Épicure, Cicéron, Descartes, Spinoza, Leibnitz, Hume, Kant, Comte, les Ioniens, les Éléates, les Atomistes, les Sophistes, les Stoïciens et la philosophie religieuse... Outre l'objectif initial de vulgarisation exigeante, ce volume de lecture des doctrines et de rencontre des sagesses occidentales ne se soustrait ni à la réflexion philosophique ni à l'exercice méditatif.
Une promenade dans la pensée de ce philosophe curieux de tous.
Shawn est décidé ! Il sera marin, comme son père. Et voilà l'orphelin embarqué comme mousse sur un baleinier, à l'âge de treize ans. Au milieu des matelots endurcis de l'Astrolabe, il va vivre le fabuleux périple de la chasse à la baleine. Comme eux, il va risquer sa vie pour un salaire de misère. Comme eux, il va parcourir mers et océans, connaître d'effroyables tempêtes, puis le calme plat dans la fournaise des Tropiques... et, plus terrible encore, affronter ces monstres marins auprès desquels l'homme semble n'être qu'un fétu de paille, les baleines...
Il n'a jamais existé au monde qu'un seul problème philosophique (dont les autres problèmes sont la menue monnaie) : comment l'esprit peut-il avoir prise sur un monde complexe, difficile, étranger ? Les rationalistes nous trompent, qui ne nous montrent de cet esprit, dans l'histoire, que les conquêtes et les triomphes. Mais Alain, rationaliste à sa façon, exige de revenir à tout instant aux sources de la pensée, et comme de recommencer l'histoire.
Il donne ainsi à l'esprit un nouvel essor ; il lui permet de pousser plus loin l'audace des problèmes et le raffinement des solutions. Ce serait peu : il veut encore saisir les éléments simples, qui permettent de considérer tous les hommes comme égaux en dignité spirituelle.
Jamais ce double mouvement de la pensée d'Alain n'a été plus évident, plus sensible aussi que dans les Entretiens, où la mer - elle aussi, toujours recommencée - le provoque, le soutient, l'accompagne.
Texte intégral révisé suivi d'une biographie d'Alain (Émile-Auguste Chartier). Publié au sortir de la Première Guerre mondiale où Alain s'était engagé volontairement comme simple soldat, "Mars ou La guerre jugée" est une suite de 93 brefs essais - plus vingt autres rajoutés en 1936 - ayant l'allure et la beauté d'autant de poèmes en prose. Alain y dessine le visage ambigu de Mars, dieu de la guerre, avec la rigueur de l'homme de science, la pénétration du philosophe et le bonheur d'expression du poète. Il y démonte tout le mécanisme de la guerre dans ses causes profondes, ses contradictions et ses mensonges, évitant cependant les trop évidents aspects immédiats de la tragédie: la souffrance, la mort et la destruction. Là où l'on ne voit souvent que l'apparence de la guerre, Alain continue lui de voir l'homme, "sentencieux toujours, observateur étonnant, sachant tout du ciel et de la terre, et embarqué pour les dix ans du siège de Troie". Révolté, il s'attaque en particulier au traitement inhumain que la hiérarchie militaire inflige à l'homme de troupe, qui est pour lui sans doute l'un des côtés les plus hideux du visage de Mars, ce "dieu vaniteux, triste et méchant".
Publié pour la première fois en 1923, ce receuil de pensées abrode des thèmes aussi variés que l'art, la beauté, la musique, la littérature, Shakespeare, Dante et Virgile ; le tout dans un style qui associe à la profondeur de la réflexion une forme qui reste abordable au plus grand nombre.
Composée de 35 chapitres, cette édition est optimisée pour la lecture numérique.
Texte intégral révisé suivi d'une biographie d'Alain (Émile-Auguste Chartier). Poème en prose écrit quotidiennement, exercice du style et de la pensée, le "propos" est un genre littéraire inventé par Alain. Dans "Propos de littérature", il devient une analyse, un commentaire, un commerce lucide avec les chefs-d'oeuvre du présent ou du passé, de Dante à Proust en passant entre autres par Rabelais, La Fontaine, Molière, Goethe ou Stendhal. Page après page, l'auteur des "Propos sur le bonheur" s'interroge sur le sens de l'épopée, et de la tragédie, du roman, de la poésie. Il délibère du goût, de la langue, de la lecture, de la rhétorique, de la traduction, de l'imagination, de l'art d'écrire... Il définit le rôle possible de la critique. "Notre ambition fut de changer la philosophie en littérature et la littérature en philosophie", écrit-il. La tentative, ici, a pleinement abouti.
Alain a raconté, dans l'Histoire de mes pensées, qu'au début de sa carrière il enseigna pendant sept ans au lycée de Lorient et commença d'écrire des chroniques pour venir en aide à un journal local, sans argent ni rédacteurs : "C'était, dit-il, raisonnable et plat. Je le voyais bien. Alain, qui entre alors en scène, commença très mal. Il écrivait comme un professeur... Tout métier veut apprentissage." Mais quand il remplaça le gamin chargé des faits divers, au galop, et sans signer, "le style se montra de lui-même dans ces improvisations". Il chercha le secret de cette éloquence. "Alors j'achetai le premier des trois cahiers que j'ai encore, où je m'exerçais tous les jours." Et il connut le bonheur d'écrire.
Les textes qui remplissent ces trois cahiers sont des propos avant les Propos. On y trouve déjà beaucoup des thèmes qui seront, toute sa vie, ceux d'Alain. Sur la guerre, sur l'amour, sur le rire, sur l'action, la doctrine prend forme. Parfois le fameux «trait» de l'écrivain futur illumine un instant la phrase. En d'autres endroits manquent, par trop de sérieux apparent, les métaphores, les mythes, les dieux qui feront la poésie de la prose d'Alain. Mais rien n'est plus intéressant que d'étudier le premier état d'une pensée qui allait si vite s'approfondir, et de découvrir, dans les écrits de jeunesse de notre maître, ce que fut la jeunesse de l'homme.
Le sculpteur de ces Entretiens n'est pas un personnage fictif. Il s'appelle Henri Navarre, membre de l'Institut. En 1934 il entreprit un buste d'Alain et les séances de pose dans l'atelier s'échelonnèrent du printemps au début de l'hiver. Pendant ce temps Alain y recevait des visites : Paul Valéry, Henri Mondor, Pierre Bost, Jean Prévost, Maurice Savin. De ces conversations capricieuses et heureuses naquirent les huit Entretiens. Dans ces souples compositions Alain se complait à reprendre, réorganiser, transposer sous une forme libre et familière des thèmes qu'il jugeait avoir traités d'une manière trop rigide dans son Système des Beaux-Arts de 1920, dans ses Vingt leçons sur les Beaux-Arts de 1931. Il s'agit donc non pas seulement d'une étude de sculpture, mais bien de toute une nouvelle considération des différents arts.
Toute recherche doit aller du clair à l'obscur, c'est-à-dire de ce qui est le plus aisé à comprendre à ce qui est le moins aisé à comprendre ; et ce qui est le plus aisé à comprendre, c'est nécessairement ce qui est le plus réfléchi et le plus raisonnable. En d'autres termes, on ne peut expliquer quoi que ce soit qu'en ramenant le confus au clair et l'instinctif au réfléchi. Cette règle si évidente est pourtant méconnue trop souvent par ceux qui font profession de philosophie ; et particulièrement, lorsqu'ils traitent de la Mémoire, ils semblent chercher la difficulté, et craindre de ne pas commencer par ce qu'il y a dans cette question de plus obscur et de plus difficile à expliquer, je veux dire cette forme de la Mémoire qui paraît régie par un obscur mécanisme et entièrement soustraite à l'autorité de la Raison.
AVERTISSEMENT DE L'ÉDITEUR : Alain Damasio et l'éditeur ont créé une police exclusive par laquelle des personnages sont désignés dans le texte. Il est donc fortement recommandé d'utiliser la « police de l'éditeur » (ou « police d'origine ») dans les paramètres de texte de votre logiciel de lecture.
Ils sont là parmi nous, jamais où tu regardes, à circuler dans les angles morts de la vision humaine. On les appelle les furtifs. Des fantômes ? Plutôt l'exact inverse : des êtres de chair et de sons, à la vitalité hors norme, qui métabolisent dans leur trajet aussi bien pierre, déchet, animal ou plante pour alimenter leurs métamorphoses incessantes.
Lorca Varèse, sociologue pour communes autogérées, et sa femme Sahar, proferrante dans la rue pour les enfants que l'éducation nationale, en faillite, a abandonnés, ont vu leur couple brisé par la disparition de leur fille unique de quatre ans, Tishka - volatisée un matin, inexplicablement. Sahar ne parvient pas à faire son deuil alors que Lorca, convaincu que sa fille est partie avec les furtifs, intègre une unité clandestine de l'armée chargée de chasser ces animaux extraordinaires. Là, il va découvrir que ceux-ci naissent d'une mélodie fondamentale, le frisson, et ne peuvent être vus sans être aussitôt pétrifiés. Peu à peu il apprendra à apprivoiser leur puissance de vie et, ainsi, à la faire sienne.
Les Furtifs vous plonge dans un futur proche et fluide où le technococon a affiné ses prises sur nos existences. Une bague interface nos rapports au monde en offrant à chaque individu son alter ego numérique, sous forme d'IA personnalisée, où viennent se concentrer nos besoins vampirisés d'écoute et d'échanges. Partout où cela s'avérait rentable, les villes ont été rachetées par des multinationales pour être gérées en zones standard, premium et privilège selon le forfait citoyen dont vous vous acquittez.
La bague au doigt, vous êtes tout à fait libres et parfaitement tracés, soumis au régime d'auto-aliénation consentant propre au raffinement du capitalisme cognitif.
2084. Orwell est loin désormais. Le totalitarisme a pris les traits bonhommes de la social-démocratie. Souriez, vous êtes gérés ! Le citoyen ne s'opprime plus : il se fabrique. A la pâte à norme, au confort, au consensus. Copie qu'on forme, tout simplement. Au coeur de cette glu, un mouvement, une force de frappe, des fous : la Volte. Le Dehors est leur pays, subvertir leur seule arme. Emmenés par Capt, philosophe et stratège, le peintre Kamio et le fulgurant Slift que rien ne bloque ni ne borne, ils iront au bout de leur volution - et même au delà, jusqu'à construire cette vie de partage, rouge, que personne ne pourra plus leur délaver. Premier roman de l'auteur de La Horde du Contrevent, la Zone est un livre de combat contre nos sociétés de contrôle (prix Utopiales européen 2007).